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nom de porteurs de la dette amortissable et des certificats de coupons anglais, et c’est là même un des épisodes les plus curieux de l’histoire financière de l’Espagne.

Je n’irai pas certainement me perdre dans ces débats épineux. Entre les créanciers de l’Espagne réclamant comme une conséquence légitime de la loi de 1851 l’affectation des produits d’une certaine catégorie de propriétés à l’extinction de leurs créances et le gouvernement de Madrid se retranchant dans une résistance presque irritée, écartant sommairement toutes les réclamations, qui a raison et qui a tort ? M. Bravo Murillo, l’auteur de la loi du 1er août 1851, qui règle la dette espagnole, et M. Pedro Salaverria, l’homme qui a le plus longtemps administré les finances depuis dix ans, ont écrit des brochures et n’ont pas beaucoup éclairci la question ; ils n’ont montré qu’une chose : c’est que si M. Bravo Murillo, l’adversaire le plus implacable des réclamations anglaises et françaises, a raison, il a été bien subtil dans la rédaction de sa loi, et les créanciers de l’Espagne ont été quelque peu pris au piège. Toute la question est dans une interprétation de textes, presque dans des distinctions qu’on croyait discréditées depuis Figaro. Ce qui est certain, c’est que par suite de ce refus obstiné des gouvernemens, qui ont mis un zèle étrange à se faire une arme de l’amour-propre national, l’Espagne a beaucoup plus perdu assurément qu’elle n’aurait perdu par un arrangement équitable à l’origine, et qu’elle a eu l’ennui de voir son nom inscrit dans les bourses étrangères parmi les noms des débiteurs insolvables. Et voilà comment on ne pouvait faire appel au crédit étranger pour alléger le fardeau d’une situation financière des plus compromises. Faute d’autres moyens, le ministre des finances du cabinet Mon, M. Salaverria, venait de se faire autoriser par les chambres à ouvrir une négociation nouvelle avec la banque pour une somme de 1,300 millions garantie par des billets hypothécaires et à émettre directement par souscription publique 600 millions de titres ; mais c’était tourner encore une fois dans un cercle vicieux, s’épuiser en expédiens qui retombaient de tout leur poids sur le trésor, sans compter même qu’autre chose était de faire une loi, autre chose d’avoir de l’argent. On en était là au mois d’août 1864, et cette paralysie financière ne laissait pas d’être une partie intime de la politique, car on accusait M. Salaverria, qui avait été le ministre des finances du cabinet O’Donnell comme il l’était dans le cabinet Mon, d’avoir accumulé ces embarras, d’avoir aggravé cette plaie des déficits et des opérations ruineuses pour faire vivre l’union libérale, pour soutenir une situation.

Ainsi des finances poussées à bout et exténuées, une politique