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ment rédigée, si elle n’eût été modifiée dans un esprit de concession mutuelle. Elle tendait à limiter la liberté du haut enseignement, et on y voyait particulièrement une menace contre certains professeurs de l’université de Madrid connus pour leurs opinions démocratiques. N’eût-elle pas eu la portée que les partis se hâtaient de lui attribuer, — les néo-catholiques pour en triompher, les libéraux pour s’en alarmer, — elle devenait, par suite de toutes les interprétations dont elle était l’objet, le signe visible de ce qu’on appelait le dualisme du ministère. Après les manifestations libérales des premiers jours, les idées conservatrices pures prenaient leur revanche. Un autre symptôme, bien plus significatif encore, c’était une circulaire nouvelle que M. Gonzalez Bravo adressait aux gouverneurs des provinces, le 25 novembre, au lendemain des élections. Cette fois le langage commençait à prendre une couleur assez singulière, et ici je voudrais laisser parler M, Gonzalez Bravo lui-même en l’abrégeant un peu.


« La période, électorale est terminée, disait-il, et avec elle cessent les circonstances spéciales qui ont porté le gouvernement à laisser complètement libre et livrée à elle-même l’action de la presse. Le gouvernement a voulu que tant que durerait la lutte, toutes les opinions, même les plus extrêmes, pussent se manifester… La nation a tout entendu dans une attitude sereine et impartiale, et elle a répondu à l’exagération révolutionnaire de certaines attaques en élisant à une immense majorité les candidats ministériels. Le dédain avec lequel le pays a repoussé les débordemens de certains, journaux, ne pouvait être plus éloquent. Maintenant l’époque de transition est passée… l’heure est par conséquent venue où le pouvoir exécutif doit recouvrer la plénitude de la force que lui assurent la confiance de sa majesté, l’appui probable de la nation légitimement représentée et la protection tutélaire des lois… Le moment est arrivé de contenir et de réprimer ceux qui, dirait-on, manquent de la volonté et du pouvoir de se soumettre et de se corriger eux-mêmes. Dorénavant le gouvernement, qui n’hésite pas à livrer sans crainte ses actes aux plus acerbes récriminations, parce qu’il est sûr de les réfuter victorieusement, soit dans les cortès, soit dans la presse elle-même, soit devant les tribunaux, le gouvernement est résolu à défendre énergiquement, par tous les moyens que la loi met à sa disposition les fondemens de l’ordre social et politique que la législation constitutionnelle en Espagne et le sens commun dans tous les pays mettent à l’abri de toute espèce de controverse… Je recommande à votre seigneurie de se bien pénétrer de l’esprit de ces dispositions pour appliquer les articles les plus essentiels de la loi de la presse… La loi actuelle sur la presse a été appliquée en peu d’occasions ; on peut dire que ce n’est qu’aujourd’hui qu’elle va être mise à l’épreuve avec une certaine résolution…[1]. Le gouvernement est déterminé à savoir ce qu’il peut at-

  1. La loi dont il est ici question datait à peine du 29 juin 1864. Comparée à la loi de 1857, qui a reçu de son principal auteur le nom de loi Nocedal, et qui était toujours en vigueur, quoiqu’il fût toujours question de la changer, la loi de 1864 était certainement un progrès ; c’est néanmoins avec elle qu’on avait trouvé le moyen de traduire des journaux devant des conseils de guerre.