Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 59.djvu/231

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

glio à l’espagnole né tout simplement de ce fait que le ministère avait choisi le moment où il se sentait le plus atteint pour se donner une attestation de puissance. On était à la mi-décembre, à la veille de l’ouverture des chambres.

Le prétexte ostensible était la difficulté de s’entendre sur la rédaction du passage du discours de la couronne qui devait annoncer l’abandon de Saint-Domingue ; au fond, il s’agissait de tout autre chose. Le général Narvaez avait voulu essayer sa force en abordant des questions très intimes et très délicates, en demandant l’exclusion de certaines influences qui s’agitent toujours au palais et par lesquelles il se croyait menacé. Seulement il se trompait : d’abord il voulait toucher à une influence qui ne lui était point hostile sans mettre en causes d’autres, influences qui étaient bien plus dangereuses pour lui, qui ont une action bien plus marquée sur la politique, — et de plus, pour tenter, ce grand coup, il avait trop attendu. Au premier instant néanmoins la reine n’avait fait aucune objection, quoiqu’elle ressentit peut-être quelque surprise ; mais comme à la question intime se mêlait toujours la question politique, qui n’était rien moins, que claire, comme elle n’avait point de peine à démêler la situation affaiblie que le ministère s’était faite, la reine ne se hâta pas, et au moment où le général Narvaez se croyait déjà maître du terrain, il s’aperçut, qu’il n’avait rien gagné, que rien n’était fait et que rien ne serait fait. Alors éclate la crise par la démission du cabinet et commence cet imbroglio bizarre où pendant quatre jours toutes les ambitions sont en éveil, où tous les bruits se croisent, où tout est en confusion dans le monde politique de Madrid. A qui s’adresser ? Au général O’Donnell, au marquis de Miraflorès, à M. Isturiz, à d’autres personnages du parti modéré ? L’embarras, il est vrai, n’était pas de trouver quelqu’un. Il y a malheureusement en Espagne, sans sortir du parti modéré, un luxe, démesuré de présidens du conseil en disponibilité ou, en expectative, les uns militaires, les autres civils, tous pénétrés de leur importance, tous également prêts à se dévouer ; la seule difficulté, c’est de ne pas prendre l’ombre pour la réalité.

La reine, dans l’embarras, s’adressa d’abord au général Pavia, marquis de Novaliches. C’était un général comme un autre, ayant plus qu’un autre, à ce qu’il paraît, la vocation d’être président du conseil, car son nom avait été mêlé depuis quelque temps à diverses combinaisons ; la brochure publiée à Paris en 1864 avait révélé ses visées à la direction des affaires, et il avait refusé une place de simple ministre dans le cabinet Narvaez. Il avait révélé son programme au sénat sous la forme d’un discours, et c’était assez. Le général Pavia se mit donc à l’œuvre en homme peu étonné de sa