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doit au contraire assurer et fortifier la centralisation morale et matérielle, la centralisation vivante du pays.

La question que nos volontaires de Nancy ont mise à l’étude et ont proposée à une enquête d’opinion est si conforme au progrès de la vie politique en France, aux traditions libérales, à l’idée de 1789, qu’elle ne pouvait être accueillie qu’avec une loyale sympathie par les libéraux démocrates auxquels elle était soumise. Pour notre compte, nous avions pensé que ce projet serait pris en considération par tous les organes des opinions libérales et n’était exposé qu’aux attaques de la presse officieuse. Nous nous étions trompés : le projet de Nancy a eu l’étrange fortune d’être rejeté sur une fausse étiquette du sac par une partie de la presse démocratique, à laquelle nous avions prêté jusqu’à présent plus d’ouverture d’esprit, plus d’intelligence politique, un zèle plus éclairé pour l’éducation de notre pays. Les écrivains dont nous parlons ont traité, à ce propos, avec un sans-façon plaisant les représentans de la démocratie libérale qui ont adhéré au projet de Nancy. Ces démocrates égarés ont manqué, suivant leurs censeurs, à la vraie tradition révolutionnaire, ils n’ont pas compris ce qu’ils faisaient, ils ont été dupes d’un malentendu, et ont côtoyé la trahison parce que les idées pratiques et désintéressées qu’ils ont approuvées ont eu la mauvaise chance de ne pas déplaire à M. de Montalembert et à M. de Falloux ! Là-dessus on a ressuscité le souvenir de nos vieilles luttes révolutionnaires ; on a fulminé l’anathème contre les néo-fédéralistes, on a dénoncé les décentralisateurs comme ceux qui fraient la voie aux restaurations. Ç’a été un émoi, un bruit, ce que les Irlandais appellent un row. Ce qui rend cette excommunication plus amusante qu’irritante, c’est qu’elle tombe sur des esprits éminens qui sont l’honneur et l’action vivante du libéralisme démocratique de notre époque, sur des penseurs élevés et désintéressés tels que MM. Vacherot et Jules Simon, sur des hommes jeunes et zélés tels que MM. Lanfrey, Ferry, Hérold ; nous ne nommons point MM. Jules Favre, Pelletan et les autres. Nous croyons n’être pas plus suspects de tendresse que les écrivains auxquels nous faisons allusion pour la politique de MM. de Montalembert et de Falloux, et parce que ces messieurs penseront comme nous sur les excès de la centralisation en France, nous ne nous préparons point à penser comme eux sur les avantages de la centralisation catholique à Rome. Nous ne saisissons point le rapport qui peut exister entre des décentralisateurs et des artisans de restaurations. Cette horreur des restaurations ne sied d’ailleurs à personne en France. Des restaurations, tout le monde en a fait, et après la restauration de la république nous avons celle de l’empire. Nous éprouvons pour notre part une sincère sympathie pour tous ceux qui se réclament de la révolution française, même lorsqu’ils nous paraissent se tromper ; mais nous avertissons ceux qui cherchent à la centralisation une origine conventionnelle et qui oublient qu’elle date de la consti-