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frappé d’aliénation mentale, le lord-chancelier exerce le droit à sa place, et le plus souvent en faveur d’un des membres de la famille du malade, pourvu toutefois qu’il s’en trouve un engagé dans les ordres. Les femmes propriétaires d’un advowson ont tout aussi bien que les hommes voix au chapitre ; si elles sont plusieurs filles héritant du même droit et qu’elles n’arrivent point à se mettre d’accord sur le choix du candidat, elles présentent chacune à tour de rôle, en commençant par l’aînée. Le pouvoir de faire des recteurs ou des vicaires appartient à toute sorte de laïques souvent fort peu orthodoxes : le patron de l’église peut être dissident, juif ou même athée ; mais il ne doit point être catholique. Après tout, il est facile de saisir les motifs de cette dernière restriction dans un temps où la religion catholique était pour l’Angleterre une source de dangers et de menaces. On craignait que les patrons, dont plusieurs appartenaient à d’anciennes familles, n’introduisissent des prêtres de l’église romaine dans les bénéfices, et, selon le langage biblique de l’époque, n’ouvrissent ainsi aux loups l’entrée de la bergerie. Certes l’exercice du droit d’advowson peut engendrer plus d’un abus, et quelques clergymen eux-mêmes en conviennent. Il ne faut pourtant point oublier que dans un pays où l’on peut tout dire et tout écrire le choix du bénéficier se trouve soumis dans une certaine mesure à la sanction de l’opinion publique. Sans ces garanties, beaucoup d’anciens usages auraient peut-être disparu depuis longtemps en Angleterre, et c’est surtout en ce sens que la liberté se montre chez nos voisins un élément de conservation. Et puis, qu’on y prenne garde, cette intervention de l’élément laïque dans le choix des ministres de l’église permet aux personnes riches d’acheter ce droit de présentation pour placer un de leurs protégés. Aussi l’advowson est-il en quelque sorte la porte par laquelle entrent dans les bénéfices les cadets des familles nobles ou les fils de l’aristocratie d’argent.

Pour être à même d’obtenir un bénéfice, il faut préalablement être ordonné prêtre. Comment donc en Angleterre devient-on clergyman ? Tout jeune homme qui se propose d’entrer dans les ordres commence avant tout par suivre les cours d’une université, et là il doit atteindre au moins le grade de bachelier ès-arts. Sans ce titre (excepté dans des circonstances particulières), il ne trouverait ni évêque pour le recevoir, ni vicaire pour l’employer comme curé[1], et il ne ferait jamais son chemin dans l’église. Une bonne éducation classique est donc considérée comme le fondement du

  1. On sait qu’en Angleterre les rangs sont intervertis, si on les compare à ce qui existe en France. Le vicaire est le chef ecclésiastique de la paroisse, tandis que le curé n’en est que le délégué, curator animarum.