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ni recommandations puissantes, ni moyens personnels extraordinaires, reste curé toute sa vie. Les mieux protégés ou les plus instruits peuvent au contraire obtenir un bénéfice de la reine, de l’évêque, des universités ou des chapitres métropolitains. Les autres, c’est-à-dire ceux qui ont de l’argent, conservent l’espoir d’en acheter un ; encore ne faut-il point qu’ils l’achètent eux-mêmes : ils se rendraient coupables de simonie. Voici donc ce qui arrive : un de leurs amis ou un des membres de leur famille acquiert pour eux du propriétaire d’un advowson le droit de première présentation à la mort du titulaire[1]. La valeur d’un bénéfice ainsi acheté d’une manière indirecte dépend, on le devine, de plusieurs conditions ; mais les parties contractantes ne manquent pas de considérer d’avance si le presbytère est en bon ou en mauvais état, et quels sont les revenus annuels qui s’y trouvent attachés. C’est dans tous les cas de l’argent placé, et dont il faut retrouver les intérêts.

L’église anglicane présente le spectacle extraordinaire d’une église de l’état qui n’est point payée par l’état. Elle vit d’un fonds de propriété considérable accumulé depuis des siècles par la piété des fidèles sous forme de dotations. Les principales sources de revenus pour un bénéfice rural sont les terres appartenant au vicarage, les dîmes (tithes), les taxes pour l’entretien de l’église (church rates), les offrandes de Pâques (Easter offerings), et le casuel ou les honoraires du surplis (surplice fees). De toutes ces branches de produit, la plus abondante est généralement la dîme. Voilà un mot, je le crains, qui sonnera mal aux oreilles françaises. Chez nous, la révolution et plus tard le concordat ont profondément altéré la constitution matérielle de l’église, sans toucher en rien aux doctrines ni à la liturgie catholique. Tout le contraire a eu lieu dans la Grande-Bretagne. La réformation a considérablement modifié les dogmes religieux et les cérémonies du culte, mais en respectant dans la plupart des cas l’ancienne organisation et les privilèges du corps clérical. On a ainsi le phénomène d’une église protestante greffée en partie sur les institutions du moyen âge. La dîme sous son ancienne forme n’était pourtant guère plus populaire, il y a une vingtaine d’années, au-delà qu’en-deçà du détroit. L’abolir, il n’y fallait point songer : elle constituait pour l’église un droit de propriété reconnu par la loi, transmis de génération en génération et fondé sur d’antiques contrats. Les Anglais ne transigent point

  1. Plus d’un genre de fraude peut se glisser, on le suppose bien, sous de telles transactions ; aussi la loi a-t-elle cherché à combattre les causes qui étaient de nature à corrompre la source des dignités cléricales. Par exemple, le droit de présentation ne peut être vendu dès qu’un bénéfice devient vacant ni même durant la dernière maladie du titulaire ou incumbent.