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charité aux yeux des Anglais est celle qui procure aux pauvres un bien-être qu’ils ont le droit de croire leur ouvrage.

À ces institutions quelques vicaires de campagne ajoutent encore d’autres pratiques sociales, par exemple les « parties de thé » (tea parties). Profitant de l’influence qu’exerce sur les mœurs anglaises la boisson fraternelle venue de Chine, on a établi dans certains villages des réunions de deux cents à trois cents personnes qui ont lieu soit l’été au coin d’un bois, soit pendant l’hiver dans les murs de l’école. L’intention de ces agapes est facile à saisir : les ministres de l’église se proposent ainsi de rapprocher les rangs et les conditions sociales. La dépense est légère et accessible à toutes les bourses : six deniers pour les grandes personnes et trois deniers pour les enfans. On vient pour s’amuser, mais les bonnes manières et les bons exemples de quelques-uns exercent une heureuse influence sur le ton général des divertissemens. Pendant que les bouilloires remplies d’eau chaude bourdonnent et chantent, la conversation se poursuit, et les différentes classes de la société apprennent à s’estimer davantage en apprenant à se connaître. Les paysans anglais sont robustes, et il faut que leur force se dépense dans quelque exercice ; abandonnée à elle-même ou mal dirigée, elle trouble quelquefois dans les villages la vie paisible des habitans. Pour éviter cet inconvénient, des pasteurs ont eu l’idée de régulariser les jeux athlétiques ; ils ont ouvert des clubs dont les séances se tiennent tantôt en plein air, tantôt dans une salle, et où l’adresse tient en échec la violence. Jusqu’ici, les ouvriers des champs n’avaient guère pour médecin en cas de maladie que la nature où le charlatan. Le sick club, fondé dans plusieurs villages, leur assure aujourd’hui, moyennant une faible contribution hebdomadaire, les secours d’un homme de l’art et les médicamens. Toutes ces réunions sont d’ailleurs conduites d’après le même principe. La force morale qui donne l’impulsion s’y montre très peu et n’aspire point à dominer.

La vie d’un pasteur anglais est assez occupée. Deux services et deux sermons le dimanche, — pendant la semaine, des malades à visiter, des réunions à présider, des paroissiens à entretenir, les intérêts de l’église à surveiller, — tout cela n’est point une sinécure. Quelques vicaires, il est vrai, se contentent des devoirs de la chaire et se retirent ensuite dans les loisirs d’un intérieur comfortable ; mais ils sont peu aimés et n’exercent aucune influence dans le village. Ce que les paysans désirent, c’est un ministre qui vienne quelquefois s’asseoir l’hiver au coin de leur feu, qui leur parle de leurs travaux, qui attire les têtes blondes des enfans entre ses genoux et qui oublie un instant parmi eux la dignité du prêtre pour se souvenir du père de famille. Le caractère du protestantisme anglais