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l’éponge, et, pour la jeter à son camarade, estime du regard la hauteur, à laquelle il doit atteindre ; l’échelle était longue et le but éloigné ; ce que voyant, il trempe l’éponge dans le ruisseau et, « suffisamment alourdie, » la lance à son compagnon. L’homme qui allait songeant déclare aussitôt que cet ouvrier en sait plus que toutes les académies, et que le principe de l’aviation est démontré. C’est aussi la conclusion que l’auteur tire tout de suite de son récit. Il faudrait cependant ne pas s’arrêter là, et il serait nécessaire de considérer le phénomène plus complètement. Sans doute, quand on veut lancer une éponge à la hauteur d’un second étage, on fait bien de la charger d’eau afin de triompher de la résistance de l’air. Cette action est rationnelle ; mais pourquoi ? C’est qu’on dispose d’assez de force pour lancer le mobile alourdi. Comme chaque unité de masse reçoit alors, pour un même effort, la même vitesse, le corps fend l’air d’autant mieux qu’il renferme sous le même volume une masse plus grande ; mais tout changerait si la force impulsive n’était plus en excès. Qu’on suppose par exemple qu’il s’agisse de jeter, non plus une éponge chargée d’eau, mais en lingot de plomb de même volume, et on sera ramène à tenir compte de la force motrice qu’on néglige trop aisément. Quand on a dit que l’aéronef, étant lourde, fendra l’air facilement, il faut ajouter tout de suite que c’est à la condition de contenir, eu égard à son poids, une force motrice considérable. Ce sont là deux idées qu’on ne peut pas séparer sans aboutir à des résultats bizarres.

On ne doit donc, pas se flatter de faire naviguer dans l’atmosphère des appareils automoteurs avant que d’immenses progrès n’aient été réalisés dans la construction des machines motrices. On pourra en juger par les indications qui suivent. A quel taux faut- il évaluer la force motrice dont l’appareil aérien devra être pourvu pour se soutenir dans l’atmosphère ? La pesanteur, suivant une loi connue, tend à faire tomber cet appareil de 5 mètres en une seconde ; la force motrice doit être capable de l’élever de 5 mètres dans le même temps. Or le poids que la force d’un cheval-vapeur peut élever à 5 mètres en une seconde est égal à 15 kilogrammes. C’est dire que l’appareil entier, y compris son moteur et tous ses accessoires, ne devra peser que 15 kilogrammes par force de cheval. Est-il impossible de construire un moteur qui remplisse cette condition ? Personne n’oserait le dire ; mais nous verrons tout à l’heure qu’on est encore loin de ce résultat. Si nous tenons compte des accessoires que doit porter la machine motrice, si nous remarquons surtout qu’il ne lui suffit pas de se soutenir en l’air et qu’il lui faut un excédant de force pour se diriger dans l’atmosphère, nous ne nous tiendrons pas à cette limite de 15 kilogrammes. Nous