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n’accepter que sous bénéfice d’inventaire. Les espèces qui se nourrissent de proies vivantes en font un très grand carnage ; celles qui vivent de fruits ou de grains mangent peut-être peu à la fois, mais à la condition de trouver toujours table ouverte. L’oiseau a d’ailleurs une ressource pour les cas d’abstinence forcée : avant d’arriver dans le gésier, les alimens trouvent au milieu de l’œsophage un ou plusieurs renflemens où ils peuvent séjourner plus ou moins longtemps. Ces réservoirs sont évidemment fort utiles aux oiseaux voyageurs, lorsqu’ils ont une longue traite à fournir.

En même temps que l’oiseau emploie une partie de se force à vaincre l’action de la pesanteur, il en dépense une certaine partie pour se transporter dans le sens horizontal. On peut se demander quelle est celle de ces deux actions qui lui coûte le plus d’efforts, et dans quelle proportion l’une est plus laborieuse que l’autre. Il serait nécessaire de résoudre cette question pour savoir au juste quelle force motrice l’oiseau renferme sous un poids donné, et l’on en tirerait une induction précieuse pour le problème de la navigation atmosphérique. En étudiant les conditions générales de ce problème et en cherchant le poids maximum que devrait présenter par force de cheval un moteur aérien, nous venons de supposer que le moteur aurait pour principal travail d’élever son propre poids, et qu’il aurait peu à faire pour se diriger horizontalement. Nous voulions par là montrer dans notre calcul, s’il est permis de parler ainsi, une extrême modération, et faire au désir des aviateurs la part aussi belle que possible, car il est clair que, si un moteur de la force d’un cheval doit, contrairement à notre hypothèse, fournir pour se transporter autant de travail que pour se porter, il va falloir réduire son poids de moitié ; il ne s’agira donc plus de 12 kilogrammes, mais bien de 6, et voilà le problème qui devient deux fois plus difficile que nous ne l’avons supposé jusqu’ici ! Or il est certain que les oiseaux disposent, pour se mouvoir, d’une force égale ou supérieure à celle qu’ils emploient pour se soutenir, sans compter la force qu’ils tiennent en réserve pour les cas extraordinaires. L’aigle emporte quelquefois dans ses serres un mouton qui pèse autant que son ravisseur, un observateur qui a étudié les mœurs du martinet noir, oiseau de la famille des hirondelles et fort connu des Parisiens, a prouvé qu’il fournit en volant quatre ou cinq fois le travail nécessaire pour porter son poids. Il est vrai que le martinet a le vol très rapide et que sa vitesse atteint quelquefois 40 mètres par seconde, c’est-à-dire la vitesse du vent dans les plus fortes tempêtes. Si l’on s’arrêtait à cet exemple, on trouverait que dans ce volatile, considéré comme moteur, la force d’un cheval pèse moins de 3 kilogrammes. Nous n’entendons point tirer parti de