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blement les esprits vers la paix. Au lieu de tomber dans la risée et dans la confusion, la convention de Chicago met fin aux dissensions intestines du grand parti démocrate, et reconstitue la puissance qui, sauf de rares intervalles, a pendant quarante ans gouverné l’Union. C’est une victoire pour les rebelles, et les républicains, qui baissent l’oreille, avouent par leur allure un peu inquiète l’avantage inattendu de leurs ennemis.

La convention était convoquée pour le 29 août, et dès le 26 cent mille étrangers inondaient la ville. Esclavagistes et radicaux, démocrates et républicains étaient accourus de tous les états de l’Union, ceux-ci pour prendre part au triomphe et grossir l’apparence de leur parti, ceux-là pour surveiller des adversaires dont ils redoutaient les desseins. Des processions, bannières déployées, musique et tambour en tête, parcouraient sans cesse les rues encombrées. Des clubs en permanence s’ouvraient jour et nuit à la foule ; des orateurs improvisés dans tous les carrefours haranguaient le peuple au son des fanfares et au bruit de la poudre. Des députations tumultueuses assiégeaient la demeure des chefs venus à l’avance pour rallier et discipliner leur monde. Il y avait là tous les héros de la grande armée esclavagiste, les gouverneurs Seymour, Wickliffe, le député Cox, de l’Ohio, dont j’ai entendu à Washington hurler la voix furibonde, le sénateur Powell, du Kentucky, accoutumé à soulever des tempêtes dans l’enceinte paisible du sénat, le ministre des finances Guthrie, Richardson, l’élève et l’ami de Douglas, les deux frères Wood, de triste renommée, propriétaires du Daily-News de New-York, Vallandigham enfin, le traître gracié, rentré audacieusement dans la vie publique, aujourd’hui salué, acclamé, suivi partout d’une foule enthousiaste, et partageant avec Fernando Wood l’engouement populaire. Cependant il courait des bruits sinistres : on disait que les copperheads avaient monté un grand complot, qu’ils devaient délivrer les prisonniers du camp Douglas, incendier et piller la ville. Tout le peuple était en armes, et d’immenses rassemblemens stationnaient à la porte du wigwam où la convention allait s’ouvrir. Les délégations des états, assemblées séparément, discutaient et préparaient leurs votes.

Enfin la session s’est ouverte. On élut par acclamation un président temporaire, puis l’assemblée se constitua. Les présidens des délégations locales, appelés l’un après l’autre, déposèrent sur le bureau les pouvoirs écrits des délégués de leur état. Trois comités furent nommés, séance tenante, l’un pour vérifier les pouvoirs, l’autre pour organiser la convention, le troisième pour rédiger les résolutions ou le manifeste du parti. L’ouverture du congrès n’eût pas été plus solennelle.