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min de fer de Saint-Joseph ; puis je remonterai le Missouri jusqu’à Omaha-City, capitale du Nebraska, située en face de Council-Bluff ; de là je compte gagner le Kansas, soit en voiture, s’il y a des routes praticables, soit à cheval à travers la prairie. On me vante les territoires de l’ouest comme les plus sains et les plus fertiles de tout le continent d’Amérique. C’est le Bas-Mississipi seulement qui est fiévreux et humide. Les plateaux élevés qui bordent les deux rivières au-dessus de leur confluent ont au contraire un climat pur, sec et léger. Les chaleurs de l’été et les rigueurs de l’hiver y sont moindres, dit-on, que partout ailleurs. Plus loin, sur l’autre versant des Montagnes-Rocheuses, le territoire de l’Utah jouit d’une température mongolienne. Je serais curieux de voir les mormons et leur ville du Lac-Salé, plus curieux encore de voir la Californie, qu’on dit être un pays magnifique, le plus montagneux et le plus pittoresque de l’Amérique du Nord ; mais je ne puis songer à ces expéditions lointaines, et je reviendrai du Kansas à Saint-Louis par la grande route du Missouri.

J’ai fait avant-hier une jolie promenade aux environs de Saint-Paul, jusqu’aux chutes de Saint-Antoine, sur le Mississipi. J’aurais pu m’y rendre en chemin de fer ; j’aimai mieux prendre un buggy qui m’y mena par un chemin capricieux à travers les forêts et les pâturages. Je ne vous dirai rien des chutes, encombrées de barrages, de moulins, de scieries, bordées d’usines et d’auberges, réduites d’ailleurs par la sécheresse à de maigres proportions. D’un côté s’alignent les maisons de Saint-Antoine, de l’autre celles de Minneapolis. On passe d’une rive à l’autre par un pont suspendu jeté d’île en île. Le lit du fleuve est jonché de grands débris de roches qui roulent en hiver par-dessus les digues ; plus bas se dresse une île abrupte, et la vallée s’entoure de riantes collines parsemées de verdure et de maisons blanches. Je ne vous parlerai pas non plus de Minnehaha (ou l’eau souriante), une jolie cascatelle dans un frais ravin plein d’herbes et de buissons fleuris, pour le moment dénuée d’eau, — bien que Longfellow l’ait rendue fameuse par son poème d’Hiawatha. L’aspect général de la contrée est ce qu’il y a de plus curieux : de grandes prairies chauves ou de grands champs de maïs dans une plaine immense, infinie, — un terrain sablonneux et ondulé qui semble le dépôt d’une mer antédiluvienne, — des troupeaux errans, çà et là une ferme, des bois incultes, — puis une coupure au fond de laquelle coule une rivière, invisible et silencieuse, entre deux bancs de verdure. Un lieu surtout m’a charmé, c’est Fort-Snelling, forteresse située au confluent du Mississipi et du Minnesota, sur un escarpement qui domine les deux rivières. Sous les rayons du soleil couchant, les deux vallées, pleines de