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As-tu peur que l’éternité
Ne manque à l’être ?
O passant d’une heure ici-bas !
Ris aux douleurs, ris aux désastres.
Après la terre, n’as-tu pas
Les astres ?

Ris sans trêve à l’amour sans fin ;
Après la vie encor la vie !
Ris au désir, divine faim
Inassouvie.
Ris à l’espoir, bonheur enfant,
Ris au bonheur, lointain sourire,
Et ris au rire triomphant,
Au rire !


LA FALAISE.


Nous allions dans le bois silencieux et sombre,
Nous allions tous les deux dans le calme et la paix,
Sur la mousse muette et sous l’ombrage épais,
Écoutant ce silence et regardant cette ombre.

Oublieux et perdus, traversant pas à pas
Les molles épaisseurs de l’obscurité verte,
Nous allions, l’âme ailleurs et ne nous parlant pas…
Tout à coup la forêt sombre s’est comme ouverte !

Devant nous le soleil inondait le chemin,
Et la mer s’étalait étincelante, unie,
Et dans un baiser doux comme un baiser humain
Le ciel pur s’unissait à la mer infinie…

Et nous sommes restés palpitans, anxieux.
Vous avez dit : « Mon Dieu ! » moi, j’ai dit : « Je vous aime ! »
Et devant ce spectacle immense et radieux
Nous n’avons pu trouver que ces deux mots, — le même !


LE GUÉ.


Il fallait passer la rivière,
Nous étions tous deux aux abois,
J’étais timide, elle était fière,
Les tarins chantaient dans les bois.