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son temps et après lui, tous s’approchèrent à l’envi des sources qu’il avait retrouvées ; tous vinrent y puiser le goût, la science, la certitude du beau, mais sans rien laisser au fond de leurs qualités naturelles. Les œuvres des sculpteurs directement instruits, par Nicolas de Pise témoignent de ce besoin d’indépendance dans l’unité et l’amour de la règle, de cette inquiétude du mieux en face du bien. Veut-on une preuve de la liberté laissée, jusque sous les yeux et dans la famille du chef de l’école, aux disciples qu’on aurait pu croire par cela même le plus facilement asservis, que l’on interroge les ouvrages du second de la race, ces œuvres si neuves, si audacieuses à certains égards, qu’a produites le fils de Nicolas, Jean de Pise. Nous n’avons pas à examiner ici celles qui intéressent la gloire de l’architecte : ne suffit-il pas d’ailleurs de mentionner l’église de Santa-Maria-della-Spina, et surtout le Campo-Santo, pour rappeler à la mémoire de chacun les innovations introduites par Jean de Pise dans l’art qu’un autre élève de son père, Arnolfo di Lapo ou del Cambio, allait bientôt achever de régénérer ? C’est au sculpteur, au sculpteur seulement, qu’il convient de demander compte de ses actes et des efforts tentés par lui pour soutenir la réputation du nom qu’il portait.

Un des monumens qui caractérisent le mieux la manière propre à Jean de Pise et cette espèce de soumission fougueuse avec laquelle il continue et dément à la fois les exemples paternels est le groupe allégorique dédié à la gloire de Pise, qu’on voit aujourd’hui dans le Campo-Santo. Pise est représentée sous les traits d’une femme debout, allaitant deux enfans, — allusion sans doute à la fertilité du sol ou aux richesses de la république, — tandis qu’à ses pieds quatre autres figures de femmes personnifient, comme autant de principes politiques ou, si l’on veut, de vertus d’état, la Prudence, la Modération, le Courage et la Justice. Que du vivant même de l’artiste le respect de ces vertus-là n’ait pas toujours prévalu à Pise dans les conseils et dans les actions, qu’il soit arrivé par exemple aux deux partis, ayant pour chefs le comte Ugolin et l’archevêque Roger, de pratiquer réciproquement assez mal les lois