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Toutefois, à côté de ces éclaircissemens sur son rôle et sur ses succès particuliers, d’autres témoignages subsistent où l’on trouve la preuve des tentatives faites autour de lui pour reviser à certains égards les doctrines du fondateur de l’école, et pour en vivifier l’application dans le sens de l’expression dramatique. Lorsque Araolfo di Lapo sculptait dans l’église de Saint-Dominique à Orvieto le tombeau du cardinal Guillaume de Braye, puis à Rome le tabernacle de Saint-Paul-hors-les-Murs, lorsqu’un des aides de Nicolas dans l’exécution de l’arca de Saint-Dominique à Bologne, le dominicain Guglielmo Agnelli, travaillait pour son propre compte aux bas-reliefs qui ornent aujourd’hui la tribune de la cathédrale de Pise[1], — l’un et l’autre, tout en se rappelant les leçons de leur maître, ne négligeaient rien de ce qui pouvait les approprier aux nouvelles inclinations de l’art et aux besoins nouveaux des esprits. Est-il nécessaire de relever un à un ces indices, de recueillir ces preuves dispersées çà et là ? Un des monumens les plus importans de l’architecture et de la sculpture au moyen âge, la cathédrale d’Orvieto nous montre, après la mort de Nicolas de Pise, ses élèves opérant côte à côté, rivalisant de zèle, de talent, de hardiesse, pour multiplier les mérites de détail au profit de l’ensemble et pour enrichir l’œuvre commune des produits de l’originalité personnelle. Comme les peintures du Campo-Santo de Pise, mais à une époque plus reculée encore dans l’histoire de l’art italien, les bas-reliefs sculptés sur la façade de ce merveilleux édifice permettent de saisir d’un seul coup d’œil la physionomie de toute une école et d’envisager, aussi bien que ses apparences générales, les traits qui en diversifient les caractères et qui en animent l’unité.

La série des quatre-vingts bas-reliefs environ qui décorent la façade de la cathédrale d’Orvieto se développe sur quatre larges piliers s’élevant de chaque côté des trois portails et consacrant les souvenirs des quatre âges bibliques de l’humanité : l’histoire primitive, depuis la Création du monde jusqu’à la Construction de l’arche qui sauvera du déluge Noé et sa famille ; — l’âge prophétique, depuis le Sommeil d’Abraham jusqu’à la Généalogie de Jésus-Christ ; — les scènes de la rédemption, figurées, non plus comme des visions envoyées aux prophètes, mais à titre de faits historiques, dont le dernier est l’Apparition de Jésus-Christ ressuscité à la Madeleine ; — les scènes du jugement universel, enfin, c’est-à-dire depuis la Résurrection des morts jusqu’à Jésus-Christ sur son trône de Justice, la réalisation finale des promesses et des menaces de l’Évangile. Chacun de ces piliers offre au regard une suite

  1. Ces bas-reliefs étaient primitivement destinés, dans la même église, à la décoration d’une chaire qui ne fut point terminée, et dont un incendie détruisit en 1596 ce qui avait été édifié.