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décidément regardé comme un moyen défendu, et Platon dans ses Lois se garde bien de l’imprudence de dépouiller sa sagesse du costume des croyances populaires.

On le voit, nous ne présentons que des hypothèses ; il ne nous semble pas qu’aucune soit encore historiquement établie. Par une anomalie singulière, une des religions dont la naissance est le mieux connue est le bouddhisme. Cette origine l’est même mieux, suivant M. Saint-Hilaire, que celle du christianisme. On possède des récits fort détaillés, entremêlés, il est vrai, d’ineptes légendes sur la vie des fondateurs, les succès et les époques de prédication, les phases de propagation de ce culte sans dieu ; mais le bouddhisme, outre qu’il n’est pas la plus intéressante des religions fausses, n’est pas même une religion primitive, Antérieur seulement de six siècles à notre ère, il est à quelques égards une réforme, à quelques égards une négation du brahmanisme, qui lui est supérieur par sa métaphysique et sa poésie. Il faudrait donc, pour bien éclaircir l’histoire du bouddhisme lui-même, connaître la situation du brahmanisme à l’époque où Çakyamouni a commencé ses prédications. Que croyait-on, que professait-on au pied des montagnes du Népal, au nord du royaume d’Oude, dans la région de Bénarès, en l’an 700 avant Jésus-Christ ? Était-ce un brahmanisme pur ou défiguré ? Quelques religions inférieures, obscures, oubliées, ne lui disputaient-elles pas une partie de son empire ? Et si le brahmanisme, comme on le doit croire, se rattache à la religion des Aryas, ces ancêtres des grandes races civilisées, est-il la source des religions de la Perse, de l’Asie-Mineure, de la Grèce enfin et de l’Occident, ou n’est-il, comme elles, qu’un rameau du même arbre, le naturalisme panthéistique dont le Rig-Veda serait le plus ancien témoignage ? A-t-il quelques rapports possibles avec les croyances magiques qui constituent le chamahisme des Tartares, et des liens communs le rattachent-ils aux doctrines hiératiques de l’Égypte, que l’antiquité distinguait de tout le reste dans sa respectueuse admiration ? Ces questions, qu’on indique en passant, sont loin d’être définitivement vidées, et il suffit de les énoncer pour montrer quelle est l’étendue et la difficulté des recherches qui peuvent porter la lumière dans un ensemble immense où, pour se retrouver, il ne faut ni rien confondre ni rien séparer absolument.


II

En parlant des Égyptiens, nous avons touché aux racés sémitiques, que signalent des caractères assez distincts pour qu’on puisse les considérer à part, sans nier les liens obscurs encore qui peuvent