Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 59.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même il trouve Melchisedek, roi et prêtre du Très-Haut, qui offrait à Dieu le pain et le vin, et il lui rend hommage en recevant sa bénédiction.

C’est une chose singulière et mystérieuse que cette courte apparition de Melchisedek. Sous tous les rapports, il paraît le supérieur d’Abraham, qui s’incline devant lui ; sa religion est tellement pure, tellement, haute dans sa simplicité, que non-seulement elle est louée par le récit même, mais, qu’elle a plus tard été jugée plus propre que la religion révélée aux Hébreux à servir d’antécédent et de type au christianisme. Il est remarquable en effet que ce Melchisedek, après son entrevue avec Abraham, n’est plus nommé qu’une fois par un psaume qui lui compare David ; mais après un long silence qui ressemble à l’oubli, plus de mille ans étant écoulés, il vient à l’esprit de saint Paul ou de l’auteur, de l’épître aux Hébreux, de faire du pontificat de Melchisedek l’emblème de celui de Jésus-Christ. Moïse et Aaron sont relégués dans l’ombre, et c’est Meichsedek le vrai précurseur.

Cet épisode est du moins la preuve qu’un monothéisme, célébré par un culte respectable, se rencontrait, dans la Syrie occidentale ailleurs que dans la famille, d’où vint le peuple de Dieu. Le polythéisme, l’idolâtrie, la confiance aux devins et aux magiciens, peuvent avoir coexisté avec de plus saines croyances : les populations phéniciennes ne se montrent nulle part exemptes de superstitions ; cependant la Bible ne dit rien de formel à cet égard. Ce n’est qu’au temps de Moïse qu’elle devient plus positive.

On sait que la race élue d’Abraham jouissait à peine du bienfait divin, quand la fortune extraordinaire d’un fils de Jacob l’attira tout entière en Égypte, pour y languir plus d’un siècle dans la servitude, jusqu’à ce qu’une troisième révélation, suscitât Moïse, qui, ramena ses concitoyens en quarante ans à travers les déserts jusqu’au pied du mont Nébo. Avec Moïse fut scellée par Dieu même l’alliance définitive qui fit du peuple hébreu son peuple, et sur le Sinaï fui instituée la religion qui s’appelle aujourd’hui le judaïsme. Alors finit ce que Bossuet a nommé le « temps de la loi de natures. »

À cette époque seulement, l’Écriture éclate en anathèmes contre les cultes idolâtres des peuples voisins de la maison d’Israël ; mais ces cultes sont plus insultés que décrits. Ni les phases, ni les formes, ni les dates de ces religions maudites ne nous sont données avec précision. Là cependant sont les antécédens des cultes et des traditions sémitiques. De même que les Hébreux ont eu souvent des rechutes d’idolâtrie, il est probable que ces nations étrangères, si formellement vouées par Moïse à leur exécration, n’échappaient pourtant pas à tout retour vers l’idée d’un Dieu unique. On sait