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Palamède, un des héros de la guerre de Troie, ressuscité brahmane. Profitons de l’occasion pour dire qu’Apollonius lui-même se souvient d’avoir été pilote dans une existence antérieure, et même d’avoir joué un bon tour à des écumeurs phéniciens qui voulaient l’embaucher dans un complot de piraterie. Du reste ses entretiens avec les sages de l’Inde sont sans cesse interrompus par des prodiges dont la singularité va croissant. Ce sont des trépieds qui se meuvent d’eux-mêmes, des échansons d’airain qui servent à boire aux convives, une coupe qui se remplit miraculeusement à mesure qu’on la vide, une pierre qui a le don d’attirer à elle toutes les autres, et tout cela pour illustrer une doctrine panthéiste d’après laquelle le monde serait un animal vivant, à la fois mâle et femelle pour s’engendrer lui-même, gouverné par un Dieu suprême et une foule de dieux subordonnés qui font eux-mêmes partie du grand tout. Bientôt Apollonius est initié par ses hôtes à la science des astres et de la divination. Damis n’assistait pas à ces séances, et, Apollonius ayant jugé à propos de garder ses secrets pour lui, Philostrate n’a pu nous dire en quoi consiste cette reine des sciences. Enfin, après quatre mois d’ébahissement et d’étude, Apollonius, saturé de science surhumaine, quitte les sages dans les meilleurs termes et s’en revient par la Mer-Érythrée, l’Euphrate, Babylone, l’Asie-Mineure ; puis, ne voulant pas se fixer à Antioche, dont les mœurs licencieuses l’offusquent, il se dirige sur l’Ionie et fait une entrée triomphale à Éphèse.

Le temps des initiations est désormais passé, et dès lors Apollonius va parcourir le monde en réformateur et en prophète. Éphèse, ville toute frivole et efféminée, est ramenée par ses prédications à la philosophie et à la vertu. Les dissensions de Smyrne sont apaisées par sa sagesse. Cependant Éphèse le rappelle, la peste fait d’affreux ravages dans ses murs. Pour délivrer la ville du fléau qui la désole, il se borne à faire assommer un vieux mendiant. Quand on enlève le tas de pierres sous lequel il gisait écrasé, on trouve à sa place un énorme chien noir : ce mendiant n’était autre chose qu’un mauvais esprit. Il part ensuite pour la Grèce, s’arrête à Troie, où il a une conversation avec l’ombre d’Achille, et où il apprend que la belle Hélène n’a jamais été dans la ville de Priam, visite à Lesbos le sanctuaire d’Orphée et débarque à Athènes, où il guérit un jeune homme possédé tout en dissertant contre les danses voluptueuses de l’Attique ; puis il s’en va visiter tous les oracles de la Grèce, se présentant partout comme réformateur ou restaurateur des rites. A Corinthe, il dessille les yeux de l’un de ses disciples éperdument amoureux d’une femme fort belle et fort riche en apparence, mais qui en réalité n’était qu’une lamie, un de ces méchans démons femelles qui ne se font aimer des jeunes gens que pour les dévorer