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calon ; mais la forme de l’idolâtrie recouvre et défigure parfois des idées théologiques saines et pures dans leur principe. Plus d’une idole cache un Dieu. Il y avait par exemple plusieurs Baal, et ce nom paraît avoir quelquefois désigné le Dieu supérieur à tous les dieux. Puisqu’à Salem, dès le temps d’Abraham, un prêtre-roi rendait gloire au créateur du ciel et de la terre, il est permis de supposer que dix-neuf siècles plus tard ces heureuses exceptions au polythéisme général n’avaient pas disparu, et que la nationalité juive n’avait pas confisqué les idées d’unité divine. Si la vue du ciel les avait révélées aux pasteurs de la Chaldée, le génie oriental, qui change si peu, n’avait pas dû les rejeter comme un préjugé d’enfance. Le livre de Job nous les montre répandues dans l’Idumée avant même que Moïse eût écrit. Plus tard, quand les conquêtes d’Alexandre et celles des Romains eurent mêlé les nations, les Juifs eux-mêmes, ce peuple voyageur qui courait de Babylone à Rome et d’Antioche à Alexandrie, ont-ils pu ne pas propager sur leur route quelque chose de leur croyance fondamentale ? Enfin les hérésies que le pharisaïsme se vantait de combattre, ces sectes et ces écoles qui se formaient dans l’intérieur ou le voisinage d’Israël, ces prophètes ou ces docteurs qui se produisaient de toutes parts et au-dessus desquels devait s’élever l’enseignement incomparable de l’Emmanuel de Bethléem, ne venaient point prêcher au monde la pluralité des dieux. Ces mouvemens de l’esprit sémitique, réveillé d’un long sommeil, étaient autant d’efforts, soit pour réagir contre la décadence et la corruption des. croyances primitives, soit pour tirer de symboles vieillis une théologie plus élevée, et plus digne de la Divinité. Le christianisme lui-même, si on le considère un moment comme une simple doctrine, n’était pas autre chose, et quoique le dogme de la trinité mal compris ait quelquefois effarouché, un monothéisme étroit et rigoureux, la prédication évangélique, dans sa redoutable guerre au paganisme, devait accréditer l’idée du Dieu unique et suprême parmi ceux mêmes qu’elle ïië convertissait pas.


IV

Si, même en histoire, nous aimons à nous guider par le texte de l’Écriture, ce n’est pas qu’avec sa précision apparente il ne prête à plus d’une équivoque. On ne sait jamais bien si les termes en doivent être pris littéralement ou figurément, si par exemple certains noms propres désignent des individus ou des peuples. N’importe : nous nous en tenons à la lettre, et, suivant le commun usage, nous entendons par sémites les descendais de Sem, le fils