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même à le placer, à tout prendre, parmi les plus sincères des instituteurs du genre humain, c’est le peu d’usage qu’il a fait du surnaturel. Un songe et une hallucination, c’est à peu près toute la part du prodige dans les titres de sa mission. Or il croyait aux songes comme son pays et son temps, comme presque tous les saints, enclins souvent à prendre leurs rêves pour des visions. Rêvait-il encore lorsqu’il revit l’ange Gabriel ? C’est probable, et cette illusion suffit pour qu’il attribuât désormais au même messager céleste les paroles intérieures qu’il n’entendait qu’avec un trouble fébrile, et qu’il révélait ensuite avec l’autorité d’un prophète. Il n’ignorait pas les miracles que raconte l’Écriture sainte ; il croyait à ceux de Moïse, à ceux de Jésus-Christ. Il se dit à beaucoup d’égards le propagateur, le continuateur de leurs enseignemens. — Le Coran confirme, dit-il, les Écritures. — Et cependant il reconnaît humblement qu’il n’a pas le don des miracles ; il ne le regrette pas, il semble même le regarder comme un don dangereux qui n’a point sauvé ses devanciers ni persuadé leurs ennemis. Il traite avec mépris ceux qui lui demandent des prodiges. Il aurait donc voulu que l’islam fût une religion sans miracles. C’est assurément ce qu’il y a en lui de plus élevé et de plus extraordinaire.


VI

Je ne sais si Luther lui-même fut aussi sobre de recours au surnaturel que le Mahomet de M. Saint-Hilaire. Il n’y a presque de merveilleux dans sa mission et son œuvre qu’une communication intime et spirituelle avec Dieu. C’est par cette voie que le Coran est descendu du ciel, que l’esprit fidèle, l’ange Gabriel, l’a déposé sur son cœur. Le Coran est ainsi l’ouvrage de Dieu, qui l’a envoyé au prophète avec sa science. Mahomet est l’interprète du ciel, mais il n’est qu’un homme envoyé de Dieu. Il n’est qu’un homme, il n’est pas le premier des apôtres. Il est le successeur des prophètes, de Moïse, de Job, de Jonas, de Jésus ; il vient confirmer les Écritures, surtout le Pentateuque et l’Évangile.

Le mot de coran signifie récitation. C’est le recueil des paroles de Mahomet, révélations, prédications, explications, telles qu’elles échappaient à son esprit, tour à tout ému par l’enthousiasme ou guidé par le calcul, et telles que les recueillait la mémoire fidèle de ses amis ou de ses auditeurs. Une récension exacte en fut faite après lui par Zeïd, qui avait eu toute sa confiance, et soigneusement revisée par ordre du calife Othman ; elle est devenue le texte accepté depuis l’an 33 de l’hégire, et sur l’authenticité duquel aucun doute légitime ne s’est élevé. C’est une collection sans ordre