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dernier empereur. Sa politique italienne a conduit l’Autriche aux désastres qu’on a vus il y a six ans. L’empereur François-Joseph a essayé de la politique allemande avec M. de Schmerling, et en 1863, le jour où il convoqua auprès de lui à Francfort tous les princes allemands, il sembla espérer qu’il prendrait lui-même l’initiative et qu’il aurait l’honneur de la réforme du pacte fédéral. On sait comment ces illusions se sont évanouies. La Prusse, qui se tint à l’écart de l’assemblée de Francfort, était alors appuyée. par la Russie, dont la reconnaissance pour les services que M. de Bismark lui avait rendus dans les affaires de Pologne était encore toute fraîche. La France, qui avait cependant cette année-là si peu de motifs d’être agréable à la cour de Berlin, s’effaroucha trop de la manifestation de l’empereur François-Joseph et fortifia la résistance prussienne. La tentative de Francfort échoua donc. La cour de Vienne n’appliqua pas plus heureusement la politique allemande au gouvernement intérieur de ses états. La Hongrie n’admit point la patente du 20 février : elle resta à l’écart des institutions représentatives unitaires créées et soutenues par M. de Schmerling et le parti allemand. L’abstention de la Hongrie durait depuis quatre ans en dépit de l’essai de gouvernement représentatif qui se poursuivait à Vienne. M. de Schmerling n’obtenait rien des Hongrois ; on ne faisait aucun pas vers la réconciliation ; l’isolement passif de la Hongrie paralysait tout. C’est alors et sous le coup de l’impuissance où la politique du parti allemand dans les états autrichiens le plaçait en face des affaires germaniques que l’empereur François-Joseph a eu recours à la politique hongroise, qui est la politique de la fédération des nationalités.

Ce dernier effort est digne d’une meilleure fortune que les essais précédens ; il nous paraît surtout mériter les encouragemens sympathiques de la France, car il est de nature à satisfaire deux nationalités aimées de notre pays, les Polonais et les Hongrois ; mais le gouvernement autrichien joue vraiment de malheur. Même quand il entre dans la bonne voie, ses intentions sont travesties. Le parti allemand, qui a perdu le pouvoir à Vienne, cherche et réussit en partie à faire croire aux libéraux européens que les dernières mesures prises par l’empereur François-Joseph sont un coup d’état absolutiste, et entraînent l’abandon du régime constitutionnel. Cette façon de représenter les derniers actes du gouvernement autrichien nous paraît fausse et injuste. Dans le système adopté par l’empereur François-Joseph, puisqu’il s’agit d’obtenir l’adhésion et la participation de la Hongrie à la politique collective de l’empire, il fallait bien retirer les patentes constitutionnelles auxquelles les partis libéraux et nationaux de Hongrie opposaient une fin de non-recevoir absolue. C’est après les manifestations des diètes que la reconstitution libérale redeviendra possible, et quant à nous, lorsque nous nous rappelons à quel point les institutions représentatives sont inhérentes et chères au génie hongrois, nous nous refusons à associer des idées de réaction absolutiste à un nouveau régime que la Hongrie trouverait acceptable.


E. FORCADE.