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et ces choses justes sont décisives dans les limites où il se renferme. En un mot, ce qu’il a dit est excellent ; mais peut-être n’a-t-il pas tout dit.

La thèse qu’il soutient est un vœu qu’il exprime. Il voudrait qu’un accord sérieux et durable s’établît entre la religion et la philosophie ; il ne leur conseille pas une alliance. La philosophie doit garder une indépendance absolue, la religion ne peut lier son autorité aux exigences de la liberté ; mais pourquoi se combattraient-elles et n’auraient-elles pas l’une pour l’autre de mutuels égards, un mutuel respect ? Elles sont sœurs, elles ont le même objet ; elles ne diffèrent que par les procédés qu’elles suivent, l’une étant cultivée par des esprits nécessairement isolés, l’autre acceptée et soutenue par des nations entières ; toutes deux nécessaires, toutes deux vouées aux intérêts les plus élevés de l’humanité, elles n’ont nulle raison de se nuire entre elles, de chercher à se supplanter l’une l’autre. La suppression de la philosophie par la religion serait une mutilation de l’esprit humain ; la substitution de la philosophie à la religion serait, en même temps qu’une tentative impossible, une violence dommageable à la moralité des nations. Aujourd’hui surtout, et en présence des doctrines d’hostilité contre la religion et contre toute religion, la philosophie doit au christianisme vénération, admiration, sympathie.

Ce sont là de sages idées, et il faut les admettre, en tant du moins qu’elles peuvent faire renoncer de part et d’autre à ces agressions violentes, à ces échanges d’invectives que réprouvent également la raison et l’équité. La paix entre les ministres de la religion et les sectateurs de la philosophie est possible et désirable, et si les circonstances ont, comme il le semble, amené entre eux des rapports plus doux, il faut s’en applaudir et travailler de chaque côté à faire durer ce retour de modération et de justice. Cet apaisement est d’autant plus précieux que la paix entre les personnes ne pourrait pas s’appuyer peut-être, autant que le donnerait à-entendre M. Saint-Hilaire, sur l’accord entre les choses.

Est-ce en effet parce que la religion et la philosophie ont un objet commun, soit, si l’on veut, l’origine, la nature et la destinée de l’homme, qu’un conflit ne devrait jamais les opposer l’une à l’autre ? Quand on étudie les mêmes questions, si l’on ne s’entend sur la manière de les résoudre, la différence devient aisément de l’antagonisme. La médecine et les mathématiques n’ont pas de peine à vivre en bonne harmonie. Il n’en est pas de même entre deux médecines, c’est-à-dire entre deux sciences toutes différentes ayant pour objet commun la guérison des maladies. S’il y avait, s’il pouvait y avoir deux mathématiques, on devrait peu espérer de les