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mœurs publiques ; il n’est guère d’homme politique qu’on n’accuse de trafiquer de son influence ou de son pouvoir. Je vous ai déjà dit ce qu’il fallait penser de certaines administrations locales ; à New-York surtout, l’organisation municipale a beaucoup de petits défauts. Le corps de ville vote bien les impôts, mais on ne sait trop à quoi il les emploie. Le fait est que la voirie, qui figure au budget pour une grosse somme, est singulièrement négligée. Quand une rue devient impraticable, ce sont des pourparlers sans fin entre les propriétaires et les magistrats municipaux, qui ne consentent aux réparations nécessaires que si les intéressés paient la moitié de la dépense. Souvent même, de guerre lasse, les propriétaires font tout eux-mêmes. Comment ces abus persistent-ils malgré l’élection populaire, la liberté de la parole, le contrôle quotidien de l’opinion publique ? Les Américains éclairés vous diront qu’ils ont exagéré dans les lois municipales le principe en lui-même salutaire de la démocratie, ils ont institué l’élection directe et annuelle des administrateurs par la masse du peuple. Si courte qu’en soit l’échéance, cet appel tumultueux à la foule ne remplace pas la surveillance active qu’exercerait une représentation communale sur un agent exécutif qu’elle aurait délégué. Une administration ainsi élue n’a d’autre souci que de flatter les passions de ses juges, et il n’est pas étonnant qu’elle mette à profit son règne éphémère jusqu’au jour où elle courbe la tête devant le pouvoir qui la maintient où la brise. D’ailleurs elle n’est pas importune : elle fait peu de bruit et ne demande qu’à se faire oublier : Être indépendant chez lui, n’avoir pas de tracasserie à redouter dans sa maison, voilà tout ce que l’Américain exige et ce qu’il paie volontiers ; c’est un roi débonnaire qui se laisse gruger par ses favoris.

Quant aux législateurs, ils ne sont pas tous irréprochables : vous savez que la classe des politicians ne se recrute pas toujours parmi les plus dignes, et que les querelles des bar-rooms ont été la première école de plus d’un homme d’état qui siège au congrès. Le souverain populaire a, comme les rois, ses courtisans et ses parasites, qui font métier de la politique et y cherchent le soutien d’une vie besoigneuse. Ces hommes, une fois parvenus dans les législatures d’états, prennent la fortune aux cheveux. Des Américains qui ont sollicité m’assurent qu’ils ne faut rien demander les mains vides. Avez-vous un droit à faire valoir, une créance à faire payer : obtenez l’appui d’un législateur qui plaidera votre cause et partagera avec vous le bénéfice, « Dernièrement, me disait un habitant du Minnesota, les Indiens firent une incursion sur le territoire de notre état et pillèrent quelques propriétés. Le gouvernement devant protection aux habitans et leur garantissant la sécurité de la frontière,