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que pendant son absence la situation ne s’était guère améliorée. Le commerce anglais se plaignait beaucoup de la stagnation des affaires ; les autorités japonaises n’avaient à la bouche que le mot d’évacuation ; les nouvelles recueillies sur les troubles intérieurs du pays étaient d’un fâcheux caractère. Aussi, peu de temps après son retour, le représentant d’Angleterre adressa-t-il à ses collègues une circulaire dans laquelle il s’étendait longuement sur les résultats négatifs de la politique de temporisation suivie jusqu’alors et jadis recommandée par lui-même ; il agitait de nouveau lA question, déjà débattue l’année précédente, puis ajournée, d’une opération contre le détroit de Simonoseki, toujours fermé par les canons du prince rebelle de Nagato. À cette communication, le ministre d’Amérique répondit en accordant sans réserve l’appui moral et même matériel que réclamait son collègue. L’agent de la Hollande alla plus loin encore en annonçant que trois corvettes de guerre avaient été dirigées des Indes néerlandaises sur le Japon pour tirer satisfaction de l’agression commise contre la Méduse. Quant au représentant de la France, M. Léon Roches, arrivé tout récemment au Japon pour remplacer M. de Bellecourt, il fit savoir à sir Rutherford Alcock qu’il désirait, avant de se prononcer, se rendre compte par lui-même de la situation ; les instructions de son gouvernement l’empêchaient de promettre autre chose que l’appui moral de la France à l’entreprise projetée ; en attendant, il allait réclamer des membres du gorogio, et dans l’enceinte de Yédo même, l’entrevue nécessaire à la réception de ses lettres de crédit.

L’entrevue ne fut accordée qu’après de nombreux pourparlers. M. Duchesne de Bellecourt et M. Roches prirent enfin passage, avec le personnel de la légation, sur la corvette le Dupleix, qui vint mouiller en rade de Yédo. La réception eut lieu dans l’enceinte des réunions du conseil avec le cérémonial habituel. Après les présentations toutefois, et malgré la convention faite d’avance que la séance se bornerait à la réception pure et simple de notre nouveau représentant, le ministre des affaires étrangères du Japon entama un discours long et diffus, une sorte de litanie dont les périodes se devineront facilement lorsqu’on saura qu’elles avaient pour refrain la nécessité d’une évacuation immédiate de Yokohama. La menace et l’impertinence se succédaient depuis quelques momens dans le langage du ministre, lorsque le ministre de France, interrompant l’orateur, crut devoir lui fermer la bouche par quelques paroles : la discussion d’un pareil sujet devant lui était une injure, la persistance du gouvernement de Yédo dans ce dessein amènerait la France à sévir par les armes. L’air arrogant du daïmio fit place aussitôt aux façons les plus obséquieuses. Des complimens