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tion avec les idées nouvelles. Ce parti ne songeait qu’à rétablir, par la force au besoin, tout l’ancien régime. S’appuyant sur les armées du roi de Sardaigne, sur les promesses de Vienne, sur la coopération d’un autre corps d’émigrés campé à Figuières en Catalogne, il fomenta des troubles dans les provinces méridionales de la France, auxquelles il promettait Lyon pour capitale future au lieu de Paris. Le camp de Jallez, formé sous les inspirations venues de Turin, en septembre 1790, dans les montagnes de l’Ardèche, se crut un instant destiné à devenir un centre important d’opposition contre l’assemblée constituante. Les gentilshommes du Vivarais, du Forez, du Lyonnais et de l’Auvergne commençaient de s’y réunir, et quelques démonstrations des troupes sardes enflaient déjà. leurs espérances. En vain Louis XVI condamnait-il publiquement leurs dangereux efforts ils répondaient que ses manifestes ne contenaient pas sa vraie pensée, et qu’il leur appartenait de les interpréter conformément aux intérêts de la monarchie. En vain Marie-Antoinette écrivait-elle lettre sur lettre à son frère l’empereur d’Autriche ou bien au comte Mercy pour maudire ce qu’elle appelait « l’extravagance de Turin, » pour déclarer que le roi redoutait en vue de sa propre liberté la victoire des princes, et pour supplier qu’on les arrêtât dans leur entreprise, ou qu’on s’abstînt du moins de les secourir elle ne gagna rien en réussissant à entraver leurs tentatives du côté du midi, car de Turin ils se transportèrent à Coblentz et à Worms au commencement de 1791. On les vit, dans la première de ces deux villes, comptant pour rien le roi, organiser, en même temps qu’une armée, un gouvernement qu’ils imposeraient ensuite de toutes pièces à la France conquise par leurs armes. De Calonne prenait en main l’administration des finances, ce qui, dans le désarroi des princes, était pour le moment presque une sinécure, et celle de la police, fonction plus nécessaire au milieu du désordre où l’on se trouvait de Calonne, en récompense, devait obtenir, lors de la restauration, sans doute fort prochaine, le rang de pair du royaume et de premier ministre. Le maréchal de Broglie prit le ministère de la guerre et s’entoura de bureaux. On vendit à l’avance des immunités et des titres, on se partagea toutes les dignités du royaume, comme faisaient les chevaliers qui entouraient Pompée à la veille de Pharsale. L’armée improvisée ne laissait pas que d’être assez nombreuse beaucoup d’officiers nobles avaient passé la frontière; toute une partie du régiment de Berwick Irlandais était sortie de Landau avec armes et bagages. Ce qui manquait toutefois, c’étaient les soldats; tous ces nobles, quels que fussent leur âge et leur expérience, septuagénaires ou imberbes, avaient réclamé des postes dignes de leur nom. Le marquis d’Autichamp, commandant de la