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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



31 octobre 1865.

Si nous devons, comme tout le monde, parler du grand événement de ces derniers jours et payer notre tribut à celui dont la mort fait un si grand vide dans la politique anglaise, nous savons bien que le moment n’est pas plus arrivé pour nous que pour les autres de porter un jugement définitif sur le vieux ministre dont les restes sont maintenant ensevelis dans les cryptes de Westminster. Ce siècle-ci est pressé dans la célébration des morts illustres comme en tout le reste. On est hâtif à la louange pour être prompt à l’oubli. — Les Fléchier et les Thomas de notre temps servent aux grands cadavres leurs improvisations toutes chaudes, et à l’heure qu’il est les oraisons funèbres en toute langue et en tout pays ont été prodiguées par centaines à la mémoire de lord Palmerston. Il s’agit simplement pour nous de faire nos adieux à cette vieille figure familière. On l’avait vue, cette figure curieuse, présente à tous les grands événemens de notre époque ; elle était toujours là pour animer les uns, troubler les autres, inquiéter, passionner, rassurer ou amuser la galerie ; elle semblait avoir acquis en face de ses contemporains le double don de l’éternité et de l’ubiquité ; elle avait fini par se confondre à nos yeux avec le masque souriant de la fortune politique ; sa vie était une ère : on est bien excusable de lui adresser quelques mots encore au moment où elle s’enfuit dans l’éternel oubli. La carrière de lord Palmerston présente deux caractères qui ont manqué à celle de la plupart des hommes d’état anglais. Aucun grand homme politique anglais n’est mort en possession d’un pouvoir aussi universellement accepté et en jouissance d’une aussi complète popularité. Aucun ministre britannique n’a été aussi connu des autres peuples et n’a occupé une aussi grande place dans l’opinion et l’imagination du monde hors des limites anglaises. Le pouvoir exercé avec un si rare assentiment de tous, l’honneur et la faveur de la renommée cosmopolite sont les deux traits qui donnent À lord Palmerston une physionomie particulière parmi ses devanciers et ses