Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont il ne put jamais comprendre ni le mérite ni le succès. C’était entre eux deux la lutte de l’éclat et de l’autorité.

Malgré l’impopularité des catholiques, le dernier ministère était sorti des affaires honorablement. Les principes constitutionnels étaient pour lui dans son différend avec la couronne, et une chambre élective se sent toujours portée du côté de ceux qui sont tombés en victimes de la prérogative royale. Les anciens collègues de Fox provoquèrent donc un vote qui leur donnât raison contre la couronne, et l’on croyait tellement qu’ils l’emporteraient que Canning alla jusqu’à menacer la chambre d’une dissolution pénale. Le cabinet fut vainqueur mais il n’avait que 22 voix de majorité, et la dissolution devenait nécessaire. Elle se fit sous le double cri : point de papisme et notre bon vieux roi (no popery, the good old king)! Ce prince, frappé de cécité, menacé de démence, sans aucune qualité aimable et brillante, était, de l’aveu de lord Holland, l’homme le plus populaire de son royaume. La révolution française avait rendu l’Angleterre monarchique et donné aux préjugés de la bigoterie le pas sur ceux de l’incrédulité. Aussi l’opposition ne gagna-t-elle pas aux élections nouvelles. Les whigs y firent quelques pertes sensibles que ne compensèrent pas pour eux les succès clair-semés du radicalisme réformiste, qui se personnifiait alors dans sir Francis Burdett. Les premières divisions de la chambre manifestèrent une majorité décidée en faveur du cabinet.

Lord Howick était le chef de l’opposition. Loyal, fier, éloquent, entraîné quelquefois par l’ardeur de son esprit, il était cependant le guide le plus éclairé, le plus imposant et le plus sûr; mais la mort du comte Grey, son père, l’appela bientôt à la chambre haute, et l’embarras fut grand de lui trouver un successeur. Un parti qui comptait au premier rang Sheridan, Windham, Whitbread, Tierney, lord Henri Petty[1], choisit pour chef ou guide parlementaire (leader) George Ponsonby. Sa réputation s’était faite dans le parlement d’Irlande; il était donc nouveau dans celui d’Angleterre, et son inexpérience des choses et des hommes s’y trahit plus d’une fois. C’était un mérite terne, une médiocrité sérieuse des qualités nécessaires à sa nouvelle situation, il n’avait guère que celle d’être toujours prêt au débat et rompu à la pratique des assemblées; mais il ne gouvernait pas son parti, il ne le soutenait point par ces grands succès personnels qui rendent un parti fier de son chef. Cependant il conserva cette première position dix ans et ne la perdit qu’à sa mort, sans qu’on ait jamais prouvé que parmi ceux qu’on aurait pu lui préférer aucun eût fait mieux que lui.

Perceval, quoique retenu quelquefois par l’esprit calme de Cas-

  1. Le dernier marquis de Lansdowne.