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permettrait presque d’indiquer à jour fixe pour chaque localité, et auquel rien ne semble jusqu’ici pouvoir parer, une question à la fois des plus graves et des plus curieuses. Cette question, sans être précisément menaçante pour la génération actuelle et quelques-unes de celles qui la suivront, ne mérite pas moins de fixer dès aujourd’hui l’attention et appelle le plus sérieux examen. Dans toutes les houillères, la question est déjà même à l’ordre du jour on s’inquiète des moyens d’extraire le précieux minéral jusqu’à mille mètres et plus de profondeur, et de minces couches de combustible, des qualités de houille médiocres, dont on ne faisait nul cas il y a vingt ou trente ans, sont aujourd’hui considérées comme parfaitement aptes à l’exploitation et à la vente. On tire parti de tout pour mourir le plus tard possible. On fait les plus grandes économies, on a recours aux mécanismes les plus ingénieux, pour réduire le prix de revient au minimum.

La machine à vapeur, pour laquelle on exploite surtout le charbon, ne saurait elle-même être avantageusement remplacée. Cet admirable et merveilleux engin, tel qu’il est sorti tout entier de la tête de Watt, un des plus grands génies dont s’honore l’humanité, reste, sauf le perfectionnement des détails, auquel on travaille tous les jours, le dernier mot de la mécanique moderne. Les recherches récentes entreprises par tant de savans sur l’équivalent mécanique de la chaleur ne démontrent-elles pas du reste que la force que restitue le combustible à la machine à vapeur n’est que le produit de la chaleur solaire condensée dans le carbone qui a formé la houille à l’époque des temps géologiques? Ces mêmes recherches ne prouvent-elles pas que ces trois agens, lumière, chaleur et force, ne sont que les trois manières d’être d’un seul et même agent, et que par conséquent vouloir substituer quelque chose à la houille dans le chauffage des chaudières à vapeur, ou compter sur la découverte d’un nouvel agent moteur économique, ce serait vouloir substituer le carbone au carbone, ce qui nous conduit à tourner dans un cercle vicieux, à moins de retomber sur une matière carbonée, comme le pétrole, dont nous parlions tout à l’heure? « Ce n’est pas la puissance de la vapeur, disait le grand ingénieur George Stephenson en voyant s’avancer un convoi, qui entraîne cette locomotive, c’est la chaleur solaire; c’est elle qui a fixé le carbone dans les plantes, qui à leur tour ont formé la houille il y a des millions d’années. » Ainsi rien ne se crée, rien ne se perd dans la nature, pas plus la force que la matière, et les locomotives, comme le disait encore Stephenson, ne sont que les chevaux du soleil.

Il est certainement rationnel de chercher une machine calorifère. parfaite pour économiser le plus possible, dans la production de la vapeur, sur la consommation de la houille, dont la plus notable partie va se perdant en fumée. L’économie ainsi réalisée serait notable, car souvent on n’utilise pas plus de 10 pour 100 de la puissance calorifique ou motrice du charbon. En adoptant ce perfectionnement, comme en exploitant mieux, en étudiant mieux les houillères, on retardera, mais on n’empêchera pas la disparition du charbon minéral. Un jour ou l’autre, les bassins houillers fussent-ils dix fois plus étendus, dix fois plus nombreux qu’on ne le suppose aujourd’hui, cette disparition de la houille aura lieu, et ce jour à venir est une seconde dans la durée infinie des siècles. Quant à l’adoption