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Un mois ne s’était pas écoulé depuis que ces paroles avaient été prononcées, qu’elles étaient confirmées par la révolution des trois journées. Jugez comment, dans l’état de l’opinion, cet événement, sympathique à tous les peuples, dut être accueilli en Angleterre. Comme pour en attester l’effet puissant, le bonheur voulut que les élections, suite nécessaire de l’avènement d’un nouveau roi, s’accomplissent au moment où l’opinion publique était encore émue de l’exemple donné par la France. On ne tarda pas à voir qu’elles amenaient sur la scène une chambre des communes qui, la première depuis quarante-six ans, respecterait peu les traditions inaugurées par les élections de 1784.

Le bon sens de Wellington la prudence éclairée de lord Aberdeen, ne pouvaient se dresser contre le sentiment public, et d’ailleurs ils étaient de ceux qui croyaient que l’infortunée dynastie qui perdait la couronne de France l’avait de gaîté de cœur jetée au vent des révolutions. Ils s’en dédommagèrent sur les événemens de Belgique, qui leur paraissaient moins motivés, et qui atteignaient un prince protestant et la maison de Nassau. Leur langage fut relevé sévèrement par lord Grey et par M. Brougham. Chaque jour irritée davantage, l’opinion grondait autour de Westminster. Suivant un ancien usage, le roi, pour célébrer son avènement, devait accepter un repas que lui offrait la Cité de Londres. Le jour même où il devait se rendre à Guildhall, le 7 novembre, le festin fut contremandé par un billet du ministre de l’intérieur. On croyait avoir à craindre que dans le trajet le gouvernement du roi ne fût insulté dans sa personne. Le souvenir des insurrections de Paris et de Bruxelles agitait tous les esprits, et l’on avait dû réunir des troupes pour répondre de la tranquillité de la ville. Il était grand temps que la chambre intervînt elle mit le ministère en minorité sur une question relative à la liste civile, et le cabinet fut dissous.

Les événemens qui suivirent appartiennent à une période de l’histoire parlementaire de l’Angleterre différente de celle dont nous nous sommes proposé d’indiquer les principaux traits. Qu’il nous suffise de dire qu’enfin lord Grey, montant au rang que Fox lui assignait, fut appelé à former un cabinet. Quelques mois après, lord John Russell demandait à la chambre des communes la permission de présenter un bill pour la réforme de la représentation de l’Angleterre et du pays de Galles. Une révolution se convertissait en réforme, et le peuple anglais prouvait une fois de plus qu’il était le peuple sage et intelligent de l’Écriture: populus sapiens et intelligens.


CHARLES DE RÉMUSAT.