Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/397

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’était elle qui donnait au prix de l’argent une élévation factice, qui abusait de son monopole, et qui, au lieu de servir l’intérêt général comme elle l’aurait dû, ne faisait que l’entraver dans un intérêt personnel. On venait dire à ces commerçans qui souffraient de l’élévation du taux de l’escompte, qui étaient arrêtés dans le développement de leurs affaires, ou qui avaient peine à renouveler leurs engagemens : « Le mal dont vous souffrez n’est pas de votre fait, il est la conséquence d’un monopole qu’on a établi à côté pour vous protéger, pour vous favoriser, et qui, au lieu de cela, vous exploite; vous payez l’argent 6 et 8 pour 100, il serait facile de vous le donner à 4 pour 100 avec une meilleure organisation du crédit. » Il n’est pas étonnant que de pareilles suggestions aient trouvé de l’écho; elles en trouvaient d’autant plus qu’il n’y avait pour ainsi dire personne pour contredire, et que la Banque de France se laissait ainsi mettre au ban de l’opinion publique sans se défendre.

Tant que la guerre qu’on lui faisait resta concentrée dans quelques publications fugitives, dans quelques articles de journaux, elle put en effet rester impassible et compter sur la force de la vérité pour faire justice de tout ce qu’il y avait de peu fondé dans les accusations dont elle était l’objet; mais il arriva un jour où il ne lui fut plus possible de rester en dehors du débat. Un écrit signé d’un nom important dans la finance vint, après un réquisitoire des plus vifs, prononcer contre elle le mot d’enquête. Il se pouvait sans doute, et beaucoup de personnes l’ont pensé, que ce mot ne fût qu’un argument de plaidoirie et ne dût pas être pris au sérieux; mais, comme on vit presque aussitôt dans certains quartiers commerçans de la capitale et à Lyon s’organiser une espèce d’agitation et des pétitions se signer contre la Banque de France, il était difficile pour celle-ci de rester immobile. Son honneur était en jeu, et puisqu’on avait prononcé le mot d’enquête, qu’on se faisait fort de prouver les faits dont on l’accusait, c’était à elle de relever le gant et de montrer qu’elle ne craignait pas la lumière. Elle le releva en effet en adressant une pétition à l’empereur, où, après avoir fait la réserve des droits qui étaient la propriété de ses actionnaires et qui ne pouvaient pas être mis en discussion, tels que son privilège et le droit. exclusif d’émettre des billets au porteur, elle demandait pour le reste que la lumière se fît aussi éclatante que possible, afin qu’on vît où était la cause du mal, et quelle était la responsabilité de chacun dans la crise qui avait lieu. Cette pétition fut insérée au Moniteur avec celle des commerçans qui se plaignaient, et l’enquête fut annoncée. Seulement dans le premier moment on ne se rendit pas bien compte de la nature de cette en-