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dérance progressive de l’italien marque la naissance et l’accroissement du peuple italien à travers le trouble des conquêtes étrangères.

Giannone dit que, dans les provinces du royaume de Naples, « plusieurs églises ont retenu le rit grec, et que, quoique les papes se soient donné bien des peines pour effacer une trace aussi marquée du grand pouvoir des patriarches de Constantinople, ils n’y ont pas réussi entièrement, puisqu’il y a encore un petit nombre d’endroits où le sacrifice de l’autel se célèbre suivant le rit grec. » Je veux bien croire que les papes se sont donné beaucoup de peine, comme le dit Giannone, pour abolir le rit grec dans quelques églises de l’Italie méridionale ; je dois cependant faire remarquer qu’à prendre en général les bulles des papes, on y trouve un système de tolérance et même de faveur pour le rit grec-uni, que certains ordres religieux ont trouvé excessif, et qu’ils ont combattu en ne s’y conformant que le moins qu’ils ont pu. Je sais gré, quant à moi, à la cour de Rome de n’avoir pas adopté cet esprit d’unité et de centralisation que nous sommes aujourd’hui en train de combattre dans l’administration, et qui ne vaut pas mieux dans l’ordre ecclésiastique que dans l’ordre politique. Je ne veux pas citer ici les bulles pontificales qui accordent au rit grec toutes les libertés qui ne blessent pas l’unité essentielle de la foi, je veux seulement citer une fondation du pape Clément XII en 1730, celle du collège albanais du rit grec situé au centre de la Calabre citérieure, dans une des provinces du royaume de Naples où il y avait encore au XVIIIe siècle des églises qui, selon Giannone, suivaient le rit grec[1]. Loin de vouloir abolir le rit grec, Clément XII fondait un collège pour les Albanais qui le suivaient. Ce collège albanais existe encore dans le royaume de Naples, et je lisais, il y a quelques mois, dans un journal de Naples de curieux détails sur cet établissement. L’enseignement y était très libéral, et le journal prétendait que l’ancien gouvernement napolitain se défiait des élèves de ce collège. Peut-être cela n’était-il dit que pour les recommander à la faveur du nouveau gouvernement. On citait le mot d’un ancien intendant de la Calabre citérieure, grand réactionnaire il y a dix ans, grand libéral aujourd’hui, qui disait : « Si vous voulez un jeune républicain, prenez un élève du collège gréco-italien. Là tout le monde est libéral, jusqu’aux chats de la maison. » La fondation de ce collège albanais fait honneur au zèle chrétien de Clément XII, et

  1. La publication de l’Histoire civile du royaume de Naples est de 1723. L’ouvrage est dédié à l’empereur Charles VI, que le traité d’Utrecht avait investi du royaume de Naples.