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On sait que les anciens livres de la Bible avaient été détruits lors de la captivité de Babylone, que les Hébreux revenus les premiers en Judée, sous la conduite de Zorobabel, en 536, ne s’occupèrent d’abord que de rétablir leurs tribus et de reconstruire le temple, et que ce fut seulement après le retour de la seconde colonne, vers l’an 447, qu’Esdras, avec les plus savans rabbins, s’occupa de restituer les écritures ; elles furent alors recomposées et rédigées sur un nouveau plan, d’après les souvenirs personnels ou les notes des docteurs. Or il y avait à cette époque plus de cent ans que les Hébreux subissaient l’influence aryenne ; on peut donc admettre que la rédaction d’Esdras ne put s’y soustraire entièrement et qu’elle accueillit des traditions antiques en circulation parmi les Hébreux, traditions que ceux-ci avaient eux-mêmes rapportées de Babylone. M. de Bunsen pense, comme à peu près tout le monde aujourd’hui, qu’il faut expliquer allégoriquement une grande partie de la Genèse, et il voit dans ce qui concerne Adam et ses fils une reproduction orientale et figurée de l’ancienne histoire des Aryas. Zoroastre vivait sous le roi Vistâspa, fils dix fondateur de Bactres ; on ne sait pas combien de règnes s’écoulèrent entre lui et Oxathrès (Suxattra), dernier roi de Bactriane, dont le royaume fut conquis par Ninus vers l’année 1230 ; mais l’intervalle dut être fort long, car dans l’Avesta, où l’on trouve une géographie détaillée des pays aryens, il n’est fait mention ni d’Ecbatane, ni de Pasargade, ni de Persépolis, ni même de Babylone, ou de Ninive. Le pays, qu’habitait Zoroastre avoisinait les sources de l’Oxus et du Yaxarte, la région même où la Genèse place le pays d’Éden. Selon M. de Bunsen, c’est du temps de Zoroastre qu’eut lieu la première migration aryenne vers le sud-est, c’est-à-dire celle des Indiens, dont la cause aurait été un conflit survenu entre les tribus, qui de pastorales devinrent agricoles après la fondation de l’état bactrien. Zoroastre, ayant reçu de Dieu la révélation de la loi, avec l’ordre de la proclamer, convoqua une grande assemblée des tribus aryennes, et, en présence du feu sacré les engagea à quitter le culte des dieux (dêvas) pour adorer le seul Ahura-Mazda (Ormuzd), c’est-à-dire le Dieu de vie. Les agriculteurs se tendirent et devinrent monothéistes ; les pasteurs conservèrent leurs dieux et se retirèrent vers l’Orient. Comme vers l’année 1300 le Gange était déjà conquis par ces derniers et qu’il n’est pas mentionné dans le Vêda, le séjour des Aryas pasteurs sur l’Indus, c’est-à-dire la période védique, a dû être de longue durée et répondre à l’intervalle qui en Bactriane sépare Oxathrès de Zoroastre. De plus les traditions aryennes nomment comme dixième roi bactrien Xisuthros, sous qui arriva le grand déluge. Zoroastre doit donc être reculé de plusieurs siècles avant l’Abraham de la