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d’hommes, qui depuis l’ont abandonné, embrassaient par fashion la sainte profession, M. Everett a été un prédicateur renommé dans l’église unitairienne, un prédicateur fleuri et goûté des femmes. Plus tard, toute la pléiade littéraire de Boston a quitté le service de Dieu pour celui des hommes, et d’orateur sacré M. Everett est devenu facturer et orateur politique. Cette carrière nouvelle et le remarquable talent qu’il déployait partout l’ont conduit au sénat, à l’ambassade de Londres, au ministère enfin après la mort de Daniel Webster, dont il était le disciple et l’ami. Lors de l’avant-dernière élection présidentielle, il n’était pas un des chefs du parti républicain, ni un partisan du sudiste Breckenridge ; il était ancien whig, allié aux démocrates modérés, candidat lui-même à la vice-présidence sur le ticket intermédiaire et conciliateur de Bell et d’Everett. L’événement a montré quelle était la valeur de ces essais malheureux de conciliation : tandis que M. Bell passait au sud le lendemain de l’élection de Lincoln et prenait une part active à la rébellion, M. Everett, fidèle à toute une vie d’honneur et de patriotisme, prenait place parmi les plus chauds défenseurs du drapeau national. Depuis ce jour, il a sans arrière-pensée accepté l’abolition de l’esclavage et interprété constamment les states-rights dans un sens aussi étroit qu’un républicain peut le désirer. Dans l’élection du mois de novembre 1864, il a été l’un des plus fermes soutiens du président Lincoln. Il a su se distinguer résolument de ceux avec lesquels il avait contracté de longue date une fraternité publique, et parmi lesquels il comptait ses meilleures amitiés. Il l’a fait sans aigreur comme sans indulgence, disant aux partis leurs vérités pleines, mais s’abstenant toujours de ces attaques blessantes aux personnes qu’ici la politique semble croire de bonne guerre. Aussi dénué d’ambition que de rancune, il ne songe plus, dans son grand âge, qu’à exercer l’influence de sa parole au profit de la cause nationale et à pousser à la roue dans le mauvais pas. Cependant, comme tous les honnêtes gens, il a excité des haines et des colères implacables chez les anciens alliés qu’il s’est décidé à combattre, sans peut-être rencontrer chez ceux dont il a embrassé la cause la reconnaissance et la sympathie qu’il en devait attendre. De tous ses anciens amis, M. Winthrop est le seul qui lui rende justice et lui soit resté fidèle : tous les autres ne peuvent lui pardonner ce qu’ils appellent sa trahison. Je sais des républicains qui médisent de lui encore plus que les démocrates. Ce n’en est pas moins un des meilleurs citoyens et un des hommes les plus respectés de l’Amérique.

À vrai dire, M. Everett n’est pas populaire. La démocratie américaine préfère à ces raffinés de l’intelligence des hommes de son espèce et plus voisins de son niveau. Parcourez la liste des présidens des États-Unis depuis trente ans, entre Jackson et Lincoln :