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de prédire la marche de cette planète jusque dans l’avenir le plus éloigné. Les premières tables d’Uranus, encore très défectueuses, sont dues à Delambre. En 1821, Alexis Bouvard en publia d’autres beaucoup plus exactes. Dans la préface, il signale une étrange difficulté : si l’on se sert, pour déterminer l’orbite d’Uranus, des observations antérieures à sa découverte, l’orbite obtenue représente très mal les observations plus modernes, et vice versa l’orbite déduite des quarante années 1781-1821 est en contradiction avec les positions anciennes[1]. Forcé de prendre un parti, Bouvard s’est décidé à négliger les dix-neuf observations antérieures à 1781. « Je laisse, dit-il, aux temps à venir le soin de faire connaître si la difficulté tient réellement à l’inexactitude des observations anciennes, ou si elle dépend de quelque action étrangère et inaperçue qui aurait influencé la marche de la planète. »

Quelques années s’étaient à peine écoulées qu’il était prouvé que les tables de Bouvard avaient cessé de s’accorder avec le ciel. Évidemment il y avait là une énigme à déchiffrer. L’idée d’une planète trans-uranienne commença de germer dans les esprits, et l’on parla déjà, mais timidement, de la possibilité d’arriver à sa découverte par les perturbations qui en révélaient l’existence. En juin 1829, M. Hansen écrivait à Bouvard que, pour rendre compte du mouvement d’Uranus, il faudrait recourir aux perturbations de deux planètes inconnues. Bouvard lui-même, pénétré de l’importance du problème, s’occupa d’en préparer la solution en confiant à, son neveu Eugène Bouvard le soin de refaire les tables d’Uranus. Il espérait qu’une discussion approfondie des mouvemens de cette planète permettrait de remonter à l’astre qui la troublait, et cette espérance était partagée par Bessel, le grand astronome de Kœnigsberg, qui parle de la planète trans-uranienne dans une lettre à Humboldt et qui s’occupait activement de la question. En 1842, l’académie des sciences de Gœttingue mettait sans résultats le sujet au concours ; en 1843 et 1844, un jeune astronome anglais, M. Adams, essayait de déterminer la planète inconnue en lui supposant une orbite circulaire et, faute de mieux, une distance au soleil conforme à la loi de Bode ; il était aidé des observations antérieures sur Uranus que lui communiquait avec complaisance, mais sans grande foi dans le succès définitif, le directeur de l’observatoire royal. Au mois d’octobre 1845, M. Adams déposait à l’observatoire de Greenwich un mémoire sur les élémens de l’orbite hypothétique de la planète ; à la même époque, M. Le Verrier, saisi par Arago de la question, communiquait à notre Académie des sciences ses premières recherches, et peu après (juin 1846) annonçait qu’il était en possession d’une position approchée de la planète inconnue, déterminée par les perturbations d’Uranus.

L’émotion fut générale. L’observatoire de Greenwich, reprenant le

  1. Depuis cette époque, on en a encore signalé deux autres, de telle sorte que nous connaissons aujourd’hui vingt et une observations anciennes d’Uranus.