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mais il vit avec plaisir que la plage était couverte d’une quantité de bois flottés, pins ou sapins, dont plusieurs étaient encore munis de leurs racines. Il remarqua aussi que des ruisseaux coulaient des hauteurs voisines et que la terre était parsemée de nombreuses mares d’eau : plusieurs rennes se montrèrent, et l’un d’eux fut tué. Le temps était beau et le soleil presque chaud ; cependant la glace ne s’ouvrit que le 8 juin au soir, et une fraîche brise du sud poussa le navire dans une mer libre. Il y avait vingt jours qu’il était emprisonné dans les glaces. La pointe basse du Cap-Lointain fut doublée ; on reconnut l’Ile-Basse (Low Island). Parry cherchait à gagner l’île Walden ou une des Sept-Iles, afin d’y trouver un ancrage et d’abréger le trajet à faire sur la banquise ; mais les glaces qui assiégeaient toutes ces terres l’empêchèrent d’en approcher. Cependant il avait atteint la latitude de 81° 6’ sans voir la banquise unie et continue que Phipps assurait avoir aperçue distinctement. Le 15 juin, un vent d’est ayant débarrassé la côte des masses qui l’obstruaient, le lieutenant Ross fut envoyé pour reconnaître l’île de la Petite-Table et le rocher qui l’avoisine, actuellement appelé Ross inlet. Ces îlots, les plus avancés vers le nord de tous ceux de l’archipel des Sept-Iles, n’offrant aucun point où un navire comme l’Hecla pût être abrité, Parry se décida dès lors à mettre le cap au sud pour gagner une baie située à l’entrée du détroit de Hinlopen, et que les anciens navigateurs hollandais avaient nommé Treurenburg bay. L’Hecla fut mouillée dans une anse qui depuis a porté son nom.

Dès le lendemain 21 juin, Parry, ayant laissé le commandement du navire au lieutenant Foster, partait pour atteindre le pôle avec John Ross, qui depuis s’est illustré dans les mers arctiques, le docteur Beverly et le lieutenant Crozier, une des victimes de la malheureuse expédition de sir John Franklin : ils montaient les deux embarcations Enterprize et Endeavour. La chaloupe du navire, commandée par le lieutenant Crozier, portait pour soixante-onze jours de vivres. Abordant à l’Ile-Basse, on y déposa des provisions pour le retour, puis on s’engagea au milieu des glaces flottâmes : elles étaient couvertes de morses, qui plongeaient à la vue de la Houille. Celle-ci, continuant sa route, toucha bientôt à l’île Walden, qui était encore encombrée de glaces, et atteignit enfin l’îlot de la Petite-Table, la plus septentrionale de toutes les terres connues sous le méridien de l’Europe. Les provisions furent chargées sur de petits traîneaux montés sur des patins de Lapons, et le 24, à dix heures du soir, la caravane se mit en marche sur la banquise. Malheureusement, au lieu de la surface unie promise par Phipps et Franklin, Parry trouva des bancs de glace peu étendus, mais excessivement accidentés, couverts d’aspérités, hérissés de pointes