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de calamités semblables, et que les Espagnols ne devinssent en 1525 pour la France ce que les Anglais avaient été pour elle en 1356 ?

Le royaume était placé sous l’administration d’une femme, Louise de Savoie, duchesse d’Angoulême, que son fils avait nommée régente en partant pour l’Italie, et dont l’influence avait plus montré jusqu’alors la cupidité que la capacité. Des trois enfans de François 1er, le plus âgé avait à peine huit ans. L’autorité, si nécessaire en ces conjonctures menaçantes, ne résidait avec force nulle part. L’argent manquait dans l’état épuisé. Les troupes avec lesquelles on aurait pu repousser les agressions extérieures avaient été détruites ou dispersées, les meilleurs chefs de guerre étaient morts ou captifs. On semblait également dépourvu des moyens de garder le royaume sans trouble, si le roi en restait longtemps éloigné, de le maintenir sans démembrement, s’il était envahi. La grande infortune de Pavie laissait redouter de plus grands malheurs encore pour la France.

Le lendemain de leur victoire, les chefs des troupes impériales annoncèrent à Charles-Quint cet éclatant succès de ses armes et les résultats immenses qu’il avait pour lui. Le vice-roi de Naples fit partir le commandeur Peñalosa, et le duc de Bourbon dépêcha Le Peloux, qui tous deux avaient pris part à la bataille, afin qu’ils en rendissent compte à l’empereur. Lannoy obtint de François Ier que le commandeur Peñalosa traversât la France avec un sauf-conduit pour arriver plus vite en Espagne. C’est du camp de Saint-Paul, d’où l’avant-veille encore il espérait maîtriser l’Italie, que le monarque prisonnier écrivait à la régente sa mère ces nobles et touchantes paroles : « Madame, pour vous faire savoir comment se porte le reste de mon infortune, de toutes choses ne m’est demeuré que l’honneur et la vie qui est saulve[1]. » Il la conjurait d’user de prudence et il lui recommandait ses petits enfans. Il la priait d’accorder libre passage au commandeur Peñalosa, qui « va, disait-il, devers l’empereur pour savoir comment il voudra que je sois traité. »

Charles-Quint était dans son château de Madrid, fort inquiet sur le sort de son armée. Il savait qu’on n’avait pas d’argent pour la payer, qu’on y mourait de faim, que ses soldats ne pouvaient pas supporter plus longtemps les extrémités auxquelles ils étaient réduits[2], qu’il fallait ou qu’ils se dispersassent, s’ils ne combattaient pas, ou qu’ils s’exposassent à une déroute, s’ils attaquaient le roi de France dans ses positions fortifiées. Il était livré à ces pensées alarmantes lorsqu’arriva l’envoyé du vice-roi, qui, l’instruisant

  1. Lettre de François Ier à la régente sa mère. — Captivité de François Ier, par M. Aimé Champollion-Figeac ; in-4o. Paris, Imprimerie royale, 1847, p. 129.
  2. Dépêche du Dr Sampson, ambassadeur de Henri VIII auprès de Charles-Quint, écrite de Madrid le 15 mars 1525 au cardinal Wolsey. — Ellis. Original Letters, t. Ier, p. 265.