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colique solitude, il composait la triste épopée de sa campagne et de sa défaite. Il adressait à sa sœur Marguerite et à sa mère, qu’il unissait dans ses vers comme dans sa tendresse, des rondeaux et des sonnets ou les plus heureux accens se trouvaient à côté de paroles obscures ou vulgaires. Ses chevaleresques regrets et ses ardentes effusions étaient surtout pour la dame maîtresse de son cœur, pour celle dont il portait la devise sous son armure dans la journée de Pavie, à laquelle il avait promis de ne pas fuir et avait obéi autant qu’à l’honneur en combattant jusqu’à ce qu’il fût pris[1]. Délicat de sentiment plus que de langage, il était parfois commun, bien qu’avec esprit, quintessencié, non sans un certain naturel. La recherche de l’expression, qui n’était pas toujours claire, et qui même de temps en temps était grossière, n’empêchait pas ses mouvemens d’être vrais, ses pensées d’être nobles. Il s’entretenait ainsi dans ses tristesses en les écrivant.

Un mois après qu’il eut été enfermé à Pizzighetone, il fut visité par le nonce du pape, qui lui apportait une lettre de Clément VII, consterné de son revers et craignant que la défaite de la France ne conduisît à l’asservissement de l’Italie. ALI moment où le roi allait à la messe, le nonce, évêque de Pistoja, suivi d’Alarcon et d’un assez grand nombre d’Espagnols, lui présenta le bref du souverain pontife. En le voyant, François Ier fit effort pour montrer un visage riant. Il lut fort attentivement la lettre du pape et la remit, après l’avoir lue, à Alarcon, s’excusant d’y être contraint. Le nonce lui exprima au nom de Clément VII des condoléances générales, ne pouvant pas lui parler plus confidemment à cause de la présence d’Alarcon et des Espagnols. Le roi lui répondit que sa sainteté n’avait pas une moindre raison de le plaindre de son malheur que de féliciter le vice-roi de la victoire de l’empereur, car, il le savait, le bon accord qui existait entre lui et sa sainteté existait aussi entre sa sainteté et l’empereur. Il priait le pape, puisqu’il était déjà intervenu avec zèle pour rétablir la paix, d’y travailler maintenant de tout son pouvoir. Il acceptait d’un cœur très reconnaissant ses offres et le suppliait de s’employer auprès de l’empereur pour obtenir sa délivrance.

François Ier se rendit ensuite dans la chapelle, qui était tendue de noir ; il avait un vêtement couleur de cendre, fourré de peaux de martres communes, qu’il avait pris après sa défaite et qu’il ne voulait pas quitter tant que durerait sa captivité. A l’évangile, il se leva, posa sa main droite sur sa tête, qu’il pressa en la secouant ; il ne donna pas d’autre signe des préoccupations qui l’agitaient. La

  1. Voir p. 1 à 12, 20 à 44 du volume des Poésies du roi François Ier, recueillies et publiées par M. . Aimé Champollion-Figeac. In-4°, Paris, Imprimerie royale, 1847,