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François Ier[1]. L’empereur, que le choix de sa sœur aidait à se dégager envers le duc de Bourbon, fit d’ailleurs entendre à celui-ci que ce mariage était la condition de la paix, qu’il ne pourrait pas recouvrer ce que la maison de Bourgogne avait perdu et le réintégrer lui-même dans les états qui lui avaient été enlevés, s’il ne s’accordait point avec le roi de France en lui donnant sa sœur. Il lui demanda son acquiescement, et pour le dédommager de ce coûteux sacrifice il lui réserva le duché de Milan[2], dont il se proposait de dépouiller le duc Sforza à cause de sa récente rébellion.

En vue de ce mariage, Charles-Quint abandonnait les comtés d& Mâcon et d’Auxerre, ainsi que la seigneurie de Bar-sur-Seine, annexes du duché de Bourgogne qu’il laissait en dot à sa sœur[3]. Mais, après avoir jusque-là déclaré qu’il ne rendrait pas François Ier à la liberté avant d’avoir été mis en possession du duché de Bourgogne, consentirait-il à délivrer d’abord le roi sous la promesse de recouvrer ensuite le duché ? Il consulta son conseil à ce sujet. Lannoy surtout fut de cet avis[4]. Comprenant les difficultés d’une pareille cession de territoire, il soutint qu’elle ne pourrait être arrachée à la France que par l’active volonté du roi. La présence de François Ier dans son royaume lui parut dès lors indispensable pour la restitution dont l’empereur faisait le fondement de la paix et dont la délivrance préalable du roi était le seul moyen. Les avantages considérables de cette paix n’étaient pas moins certains, quoique un peu retardés, en acceptant les sûretés offertes par le roi lui-même. L’empereur pourrait arranger sans obstacle et sans dépense ses affaires d’Italie, où il consoliderait sa domination après s’y être fait couronner, — mettre à l’abri de tout péril et de toute sujétion les Pays-Bas agrandis et indépendans, — poursuivre les desseins qu’il avait de repousser les Turcs de la Hongrie, de rétablir en Allemagne la foi religieuse ébranlée, et de se rendre ainsi, comme il en avait la pensée, le défenseur de la chrétienté et le restaurateur du catholicisme, sans être troublé par l’opposition de personne et en étant secondé par les forces de son ancien adversaire, devenu son nouvel allié.

  1. Sandoval, liv. XIII, § 1.9. — Lettre du 19 mars 1558, de Charles V à Luis Quijade, dans Retraite et mort de Charles-Quint au monastère de Yuste, par M. Gachard, t. II, p. 534.
  2. Sandoval, lib. XIII, § 19.
  3. « Et pourceque l’affaire de Masconnois, Auxerrois et Bar-sur-Seine est conditionné en dot. » Déclaration de l’empereur du 26 décembre, l’original signé de sa main aux archives des affaires étrangères, Espagne, vol. V, f° 335 et suiy.
  4. Sandoval, liv. XIV, §. — Lettre de Lannoy à l’empereur, du 7 avril 1526, dans les Négociations entre la France et l’Autriche, où il exprime plus tard ses regrets de l’avis qu’il a eu alors ; t. II, p. 658.