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de l’empire, dont il est aujourd’hui la sentinelle avancée sur les rives du Rio-Bravo, menacées par les flibustiers américains ; mais la figure du héros presque mystérieux des gorges de la Sierra-Gorda a pâli au souffle de la révolution, car l’élu du clergé mexicain, aux yeux de ses compatriotes, est l’ennemi de la liberté, qui seule vivifie les hommes et les peuples.

Le général Mejia, avant de quitter Vittoria, avait laissé à la disposition du colonel Du Pin cent volontaires de la ville de Queretaro enrôlés sous sa bannière et un de ses bataillons, commandé par le colonel de Perald, Espagnol d’origine, officier de valeur et d’un caractère très sympathique. Pendant que le gros des forces convergeait vers Monterey, notre contre-guérilla allait se porter sur la ville de San-Fernando, où les espions arrivés de la veille assuraient que Cortina s’était retiré. Dans la nuit qui suivit le départ de la division mexicaine, les pluies firent déborder tous les ruisseaux et les fleuves dont était sillonnée la route que nous allions parcourir. Notre mouvement fut donc forcément ajourné. On profita de ce retard pour fortifier Vittoria, changer la place en réduit, élever de forts retranchemens garnis de chevaux de frise et capables de mettre les habitans et leurs biens à l’abri d’une surprise ou d’un retour offensif. Ces mesures d’ailleurs étaient conseillées par le voisinage d’une bande forte de trois cents coureurs de bois, restés en arrière de Cortina pour saccager et rançonner les pueblos. On redoubla de surveillance à l’annonce faite par la police, récemment réorganisée, que pendant les deux dernières nuits des guérillas avaient pénétré dans la ville, où ils entretenaient des intelligences en vue d’un mouvement que devait favoriser une partie de la population hostile à l’intervention française, hostile parce qu’elle est libérale, hostile parce que le Tamaulipas, comme la province de Yucatan, située à l’autre extrémité du golfe du Mexique, près de l’île de Cuba, à l’époque même où la république mexicaine était florissante, a toujours lutté contre la centralisation. De tout temps, ce pays a pris les armes en faveur de son autonomie et de son indépendance, qu’il ne consentirait à aliéner, du propre aveu des hacenderos, qu’en faveur des États-Unis. Le Tamaulipas devait naturellement repousser l’intervention française, destinée au contraire à resserrer les liens des différens états ; mais grâce aux expéditions nocturnes des contre-guérillas cette tentative avorta dès son début. Vers huit heures du soir, le 2 septembre, trois Mexicains armés de revolvers et de machetes assassinèrent deux des nôtres. On put s’emparer d’eux, et le lendemain la cour martiale, assemblée d’urgence, les condamnait à mort, comme bandits mis hors la loi déjà depuis un an par les autorités du pays et comme coupables de meurtre. Les trois condamnés étaient nés à Vittoria. En présence de leurs familles, au même