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Il suffit, pour donner à un impôt son caractère, qu’il soit établi dans un intérêt fiscal, et non dans un intérêt protecteur. D’autres ont allégué que les produits étrangers, ayant payé l’impôt dans leur propre pays, ne peuvent pas être imposés à leur entrée en France sans payer deux fois. L’objection a encore une portée trop générale, elle s’adresse à tous les droits de douane sans exception. Les produits qui passent d’un pays dans un autre paient en effet deux fois, parce qu’ils ont profité successivement de l’organisation économique des deux pays, et qu’ils doivent en supporter les charges. Nos propres produits, quand ils vont en pays étranger, sont soumis à la même loi, et c’est de toute justice.

Le congrès s’est prononcé ensuite très nettement, comme second article de son programme, pour une large réduction du contingent militaire. Voilà sans contredit une des grandes plaies de notre temps. Au commencement de la restauration, le contingent annuel n’était que de 40,000 hommes ; il fut porté ensuite à 60,000. Le gouvernement de 1830 le mit à 80,000 ; et il est aujourd’hui de 100,000, après avoir monté encore plus haut. Une pareille saignée emporte la fleur de notre jeunesse ; elle désorganise le travail, arrête le progrès de la population, et n’a pas moins de mauvaises conséquences morales que de mauvaises conséquences économiques. On a cru en atténuer les effets par l’institution de la réserve, mais la réserve est aujourd’hui jugée par l’expérience ; les jeunes soldats qui rentrent dans nos campagnes avec l’interdiction de se marier y rapportent des maladies, des mœurs relâchées, des habitudes d’intempérance ; mieux vaut laisser sous les drapeaux tous ceux que la nécessité y appelle et en enlever le moins possible à leurs travaux naturels. Il serait urgent de revenir au chiffre de la monarchie de 1830, si ce n’est même à celui de la restauration. Avec un contingent annuel de 60,000 hommes, on aurait encore une armée de 420,000 hommes, de 375,000 avec les non-valeurs. Peut-être même, en prolongeant d’un an la durée du service militaire, pourrait-on se contenter d’une levée annuelle de 50,000 hommes ou de la moitié du contingent actuel. Le prix de l’exonération, cet instrument de ruine pour les familles, tomberait de cinquante pour cent. On dira sans doute que l’état de l’Europe ne permet pas de désarmer ; mais ce n’est pas désarmer que de tenir sur pied une armée de 375,000 hommes, ou même de 350,000. Une pareille force suffit et au-delà pour maintenir la sécurité intérieure et extérieure, elle n’exclut que les idées de conquête.

Le troisième vœu émis par le congrès n’a pas moins d’importance, c’est la réduction des dépenses improductives en général et des travaux des villes en particulier. On comprend sans peine qu’il s’agit surtout de Paris. Il n’y a vraiment rien de possible tant que