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vertu de différentes lois, 21,733 hectares, parmi lesquels les forêts des Dunes figurent pour 17,000 hectares environ.

En résumé, depuis 1814 on a aliéné 355,811 hectares de forêts domaniales, c’est-à-dire à peu près le tiers de la contenance actuelle, et cela malgré la répugnance bien accusée que les chambres et le pays ont toujours montrée pour cet expédient. Le gouvernement n’a pu vaincre leur résistance qu’en le leur présentant comme une nécessité financière qu’il fallait subir parce qu’on ne pouvait l’éviter. Les ministres plaidaient les circonstances atténuantes et s’excusaient d’avoir recours à ce moyen, puisqu’ils ne pouvaient faire autrement. Depuis, les choses ont bien changé : l’aliénation a passé à l’état de théorie, et l’on se pique aujourd’hui d’avoir des principes. Aussi répète-t-on sous toutes ses formes le fameux argument imaginé par M. Laffitte en 1831 et déjà cent fois réfuté. « Nous pourrions, avait dit ce financier, ajouter ici beaucoup d’autres considérations, connues de tout le monde, sur le peu d’aptitude de l’état à être propriétaire et sur l’avantage de faire passer les propriétés publiques aux mains des particuliers. Les bois, en général ne rendent que 2 ou 2 1/2 au plus à l’état ; transportés aux particuliers, ils rendraient, par les mutations ou l’impôt foncier, 1 1/2 au moins pour 100 ; c’est-à-dire les deux tiers environ de leur revenu actuel. L’état en aurait donc en caisse la valeur et retrouverait par l’impôt une partie du produit. Les particuliers en retireraient aussi de leur côté un revenu supérieur à celui qu’en retirerait l’état. La supériorité de l’industrie individuelle explique ces différences. »

Que vaut donc cet argument, et sur quoi s’appuie-t-on pour dire que les forêts ne rapportent à l’état que 2 ou 2 1/2 pour 100 de leur valeur ? De quelle valeur veut-on parler ? S’il s’agit de celle qu’on pourrait tirer de ces forêts en exploitant la superficie en un très grand nombre d’années et en vendant le fonds petit à petit après défrichement, on a peut-être raison. Si, comme il est juste de le faire, on veut parler non de cette valeur idéale, mais du prix qu’on peut obtenir par une vente publique, la question change de face. Que l’on compare en effet le revenu normal des forêts vendues avec le prix de vente, on pourra s’assurer que jamais ce revenu ne représente un placement inférieur à 4 pour 100, et nous avons de nombreux exemples de marchés beaucoup plus avantageux encore pour les acquéreurs. Au mois de mars 1865, on a adjugé publiquement, après plusieurs tentatives infructueuses, pour 2,600,000 francs environ les deux forêts de Roseux et d’Ivry, d’une contenance totale de 2,485 hectares. D’après les documens publiés à cette occasion, le revenu moyen de ces deux forêts s’est élevé, depuis 1852, à 150,000 francs, frais déduits, et représente par conséquent, par rapport au prix de vente, un placement de plus de