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les principes qui devaient servir de base au système des phares et fanaux, et en fit approuver le projet en 1825 par la commission des phares, composée de savans illustres, d’ingénieurs et de marins expérimentés. Les travaux furent commencés sans retard et continués depuis lors sans interruption ; ils sont bien près d’être terminés, au moins en ce qui intéresse la France continentale. Un demi-siècle ne s’est pas écoulé que soixante-dix tours ont été construites à neuf ou ont été l’objet de réparations qui équivalent à une reconstruction totale. Tous les anciens appareils d’éclairage ont été remplacés par des appareils lenticulaires du type le plus parfait. Il serait difficile peut-être de supputer toutes les dépenses qui ont été faites en ces quarante années. On en donnera une idée suffisante en disant que le coût d’établissement d’un phare de premier ordre est rarement inférieur à 200,000 francs et dépasse souvent un demi-million. C’est un chiffre qui varie entre des limites très étendues suivant les conditions où se trouve l’édifiée et les circonstances impossibles à prévoir des travaux à la mer. Quant à l’entretien, un phare de premier ordre, avec le salaire de ses trois ou quatre gardiens, une consommation d’huile de plus de 3,000 kilogrammes et les dépenses accessoires, ne revient pas à moins de 8,000 francs par an. En somme, le budget annuel de ce service public atteint presque 1 million de francs.

Lorsqu’on étudie quelqu’une de ces découvertes brillantes qui décuplent la puissance d’une industrie en la transformant, ou donnent aux œuvres du génie civil un essor imprévu et des moyens d’action plus parfaits, on se demande toujours à qui l’on en est redevable. Cette question se pose avec un intérêt plus sérieux encore quand il s’agit d’une invention qui est, comme les phares, un bienfait pour l’humanité. On s’inquiète volontiers de savoir ce que fut la vie de l’homme à qui le siècle doit un grand progrès. Il est aisé de résumer eu quelques mots la vie d’Augustin Fresnel, l’ingénieux créateur des phares. Né en 1788 dans un petit village de Normandie, admis de bonne heure à l’École polytechnique, il en sortait en 1806 en qualité d’élève ingénieur des ponts et chaussées. Pendant longtemps, rien ne parut révéler l’aptitude scientifique dont il était doué. Vers la fin de 1815, il entend parler par hasard de la polarisation de la lumière, curieux phénomène alors peu connu et dont un officier du génie, Malus, mort jeune aussi, venait de s’occuper avec succès. De ce moment datent ses premières recherches expérimentales sur la science de l’optique, dont il devait eu peu de temps élargir la théorie d’une façon prodigieuse. En 1819, un de ses mémoires sur la diffraction était couronné par l’Académie des Sciences. En même temps Arago, qui était