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Pesaro, délégué de la république auprès de l’armée, et par les capitaines confédérés, plus hardis que lui, il consentit, non sans répugnance, à faire une tentative sur Milan[1]. Il en était encore à trois milles de distance le 5 juillet, jour où il campa, après avoir été joint par une modique bande de Suisses, aux environs de,San-Martino, lorsque le duc de Bourbon, qui s’avançait en toute hâte, y pénétra avec une petite troupe de renfort[2].

Charles-Quint, qui lui avait donné le duché de Milan, l’envoyait en Italie comme son lieutenant et comme le capitaine-général de son armée. Parti assez secrètement de Barcelone, le 24 juin, avec six navires, sur lesquels étaient huit cents soldats espagnols et que la flotte des confédérés aurait pu facilement saisir au passage, si elle avait été réunie, le duc de Bourbon était entré sans obstacle dans Gênes, le port de cette ville n’étant pas plus bloqué que la mer n’était gardée. Il avait retiré des banquiers génois cent mille ducats en paiement de lettres de change qu’il avait reçues en Espagne de l’empereur, et s’était rendu sans perdre une heure dans Milan, où il entra le 5 juillet au soir. Le lendemain, il prit le commandement de la petite armée impériale, à laquelle il distribua une partie de sa solde, pour mieux la disposer à résister aux confédérés et pour l’encourager à des entreprises dans lesquelles, avec son audace, il ne devait pas voir de péril.

Il avait sous ses ordres de 8 à 9,000 hommes soit espagnols, soit allemands, lorsque le 7 juillet parut à une portée de fauconneau des faubourgs de Milan, du côté du sud-est, entre la porte Romaine et la porte Tosa, l’armée des confédérés, forte d’environ 20,000 hommes de pied et de plus de 3,000 chevaux. Elle était belle et fort animée. La ville n’était pas bien fortifiée, et les faubourgs l’étaient encore moins. Des fossés peu profonds et des remparts peu élevés, qu’il était également facile de franchir, en défendaient faiblement l’approche. Les faubourgs pris, la ville ne pouvait pas être défendue. Lorsque en 1522 Prospero Colonna et le marquis de Pescara s’en étaient rendus maîtres, les Français, moins haïs à cette époque que ne l’étaient alors les Espagnols, s’étaient vus contraints d’évacuer en toute hâte Milan. Si les confédérés y avaient pénétré en attaquant avec résolution, les impériaux, — placés entre l’armée italienne, maîtresse des faubourgs, le château, d’où Francesco Sforza pouvait tirer sur eux, et au milieu d’une ville dont la population les abhorrait et ne manquerait pas de se soulever, — auraient été réduits à battre en retraite du côté de

  1. Guicciardini, lib. XVII.
  2. Charles de Bourbon à l’empereur, lettre écrite de Milan le 9 juillet. — Archives impériales et royales de Vienne.