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« Après tout, dit l’un d’eux, on peut ce qu’on veut. » Et le même plongeur se chargea de me donner les instructions nécessaires. Il m’enseigna la manière de me débarrasser en un tour de main des deux poids de plomb qui étaient plaqués sur la poitrine et sur le dos, m’assurant que dans ce cas-là je remonterais immédiatement à la surface. « Je ne donnerais point ce conseil, ajouta-t-il, à un homme du métier, car pour nous laisser ses plombs au fond de la mer est une disgrâce. Nous avons d’autres moyens d’appeler à notre secours en cas de danger ou d’accident. Le plongeur communique avec la surface par le tuyau à air (air pipe) et par une corde que nous appelons corde de vie (life line). L’un et l’autre ont un langage ; ils parlent. De tous ces signaux, il n’en est qu’un qui vous intéresse ; voulez-vous remonter, vous tirez quatre fois le tuyau à air, et cela veut dire haul up (hissez-moi à la surface !) : votre désir est aussitôt compris et satisfait. Tout le temps que le plongeur reste sous l’eau, il a en effet à bord deux hommes de confiance que nous appelons attendants, et qui veillent sur lui comme une nourrice attentive sur les mouvemens de l’enfant qui marche avec des lisières. Ces trois hommes n’en font qu’un, et sur ce parfait accord est fondée toute la science du diving (la science du plongeur). Nos règlemens défendent aux deux attendants de causer entre eux ni avec d’autres personnes durant l’exercice de leurs fonctions. Cela pourrait les distraire, et n’ont-ils pas besoin de toute leur attention pour saisir le sens des moindres signaux ? Ne répondent-ils point de la vie de l’homme qui est au fond de la mer ? Voyez maintenant si le cœur vous en dit et si vous voulez passer agréablement votre temps (to enjoy your time) dans la compagnie des vagues… Ah ! j’oubliais une recommandation importante : il arrive quelquefois que le plongeur perde son chemin dans la mer et ne sache plus retrouver l’échelle par laquelle il est descendu. Nous nous servons, pour nous diriger dans ce labyrinthe (maze), d’une corde enroulée autour du poignet et que nous déroulons successivement ; s’il advient toutefois que par une cause ou une autre ce moyen de repère lui manque, le plongeur en est quitte pour faire le signal de détresse, haul up ! Et on le tire à l’instant même d’embarras en le ramenant à la surface. » J’assurai le diver que ce dernier conseil pouvait être très bon, mais qu’en ce qui me concernait il était parfaitement inutile, car je n’avais nulle envie de m’aventurer au loin dans une région tout à fait inconnue. « Je m’en doutais, » reprit-il en souriant.

Le casque qui me couvrait la tête et la figure avait par derrière deux bouts de tuyau en métal : l’un, défendu contre l’intrusion des eaux par une forte soupape ou valvule, était destiné à