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encore séparé, par un long espace difficile à franchir et de nombreuses rivières peu commodes à traverser, du duc de Bourbon, auquel il avait l’ordre comme l’intention de se réunir.

Le duc d’Urbin, en apprenant que les lansquenets avaient passé les Alpes et qu’ils paraissaient en Italie, dut renoncer au plan qu’il avait conçu si inopportunément de bloquer et d’affamer les impériaux dans Milan. Il fallait maintenant renoncer à une offensive qui n’avait été ni hardie ni heureuse et se mettre sur une défensive que ce général sans résolution et prudent jusqu’à la timidité ne saurait pas mieux conduire. Avant tout, il s’agissait d’empêcher la jonction de Frondsberg et du duc de Bourbon, dont les troupes réunies formeraient une armée irrésistible par le nombre comme par la force, offrant la solide ordonnance des lansquenets organisés sur le modèle des Suisses, combattant à rangs profonds et avec de longues piques, flanquée de ces agiles et entreprenans bataillons d’arquebusiers espagnols qui avaient en grande partie décidé la victoire dans le parc de Pavie, soutenue par des hommes d’armes, éclairée par des chevau-légers et traînant après elle quelques pièces d’artillerie. Le duc d’Urbin semblait pouvoir s’opposer aisément à cette jonction, placé qu’il était avec tant de troupes entre les lansquenets et les Espagnols. Ayant abandonné le blocus de Milan vers la mi-novembre, il se porta avec toute l’armée à Vauri, sur l’Adda. Il y jeta un pont, et après avoir fortifié la position il y laissa le marquis de Saluces avec ses 4,000 fantassins, les Suisses, les Grisons et les hommes d’armes français ; puis le 19 novembre, suivi de Jean de Médicis avec les 4,000 soldats des bandes noires, de 8 ou 9,000 piétons vénitiens, de 600 hommes d’armes et d’une nombreuse cavalerie légère, il alla au-devant des lansquenets. Il voulait les harceler sans les assaillir et les empêcher de faire des vivres. Il prétendait que c’était le seul moyen de vaincre des troupes qui s’avançaient dans un ordre aussi serré et qui ne pouvaient pas être battues ouvertement. La faute était considérable ; en divisant l’armée de la ligue, il l’annulait. Ce qu’il en laissait à Vauri était inutile contre le duc de Bourbon, ce qu’il en menait avec lui n’était pas assez fort pour arrêter les lansquenets. S’il avait marché à leur rencontre avec toute son armée, deux fois supérieure à la leur, composée de Suisses aussi solides que les Allemands, d’arquebusiers, d’hommes d’armes, de chevau-légers que Frondsberg n’avait pas, il aurait pu, en disposant du passage des rivières, barrer le chemin aux lansquenets, les obliger à la retraite par force ou par lassitude, et venir ensuite facilement à bout des troupes peu nombreuses et découragées du duc de Bourbon ; mais, général à précautions et non à entreprises, le duc d’Urbin savait à peine se défendre et n’osait jamais attaquer.