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Continuant sa marche et ses tromperies, il donna rendez-vous au vice-roi sous l’Apennin, qu’il tenait avant tout à passer, et ne cessa d’écrire, soit à lui, soit au lieutenant du pape Francesco Guicciardini, qu’il était toujours dans les plus pacifiques dispositions[1]. Arrivé au sommet de la montagne sans avoir rencontré d’obstacle, il descendit à la Pieve-San-Stephano, se jeta sur la droite dans les plaines d’Anghiari et d’Arezzo et se dirigea du côté de Florence par le val d’Arno. Le 21 avril, jour de Pâques, il vit à la Piena[2], entre Arezzo et Montevarchi, le vice-roi de Naples, qui à grand’peine venait d’échapper à la fureur des paysans soulevés, tandis que les délégués florentins avaient mis à couvert les 100,000 ducats qu’ils portaient à l’armée impériale[3], et que le duc de Bourbon ne s’était pas montré pressé de recevoir. Il demandait bien au-delà dans ce moment. Mettant à un prix plus élevé le maintien de l’accord et la retraite de l’armée, il déclarait insuffisans les 150,000 ducats acceptés en son nom à Florence, et il en réclamait 240,000[4]. Le vice-roi de Naples, soit qu’il devînt complice de la duplicité visible de Bourbon, soit qu’il tînt à ne pas repousser une proposition qui n’était ni sincère ni acceptable, fit connaître à Clément VII cette nouvelle exigence, à laquelle le pape n’avait pas la possibilité et avait encore moins la volonté de se soumettre. Après avoir passé plusieurs jours au camp impérial, sans signifier au duc de Bourbon les ordres formels de l’empereur son maître, sans chercher à inspirer plus de modération et d’obéissance à l’armée, le vice-roi se retira à Sienne, où il alla attendre la réponse facile à prévoir du souverain pontife. Le duc de Bourbon continua de suivre le val d’Arno, et le 26 avril il arriva avec ses soldats, pressés par le besoin et avides de pillage, à San-Giovanni-de-Toscane, qu’une distance de vingt milles séparait de Florence, très peu défendue du côté de l’est.

Heureusement pour cette grande et opulente cité, le même jour, l’armée française, conduite par le diligent marquis de Saluces, et l’armée vénitienne, commandée par le duc d’Urbin, cette fois moins tardif, arrivaient à quelques milles du côté du nord[5]. En apprenant la marche menaçante du duc de Bourbon et ses demandes équivoques, en voyant le désaccord de ses actes hostiles et de ses

  1. Guicciard., lib. XVIII.
  2. , Mémoire de Lannoy à l’empereur, § XXXVI. — Lanz, t. Ier, p. 704.
  3. « Il commissorio dei Fiorentini messe li denari in luego sicuro, e il vicere fu assalito dai Villani, dai quali con difficultà si libero e si salvo a camaldoli ; dipoi andò el campo cesareo, e di là a Siena. » Marco Foscari, dans Alberi, ser. II, vol. Ier, p. 48.
  4. Mémoire de Lannoy à l’empereur, § XXXVI. — Lanz, p. 704.
  5. Marco Foscari, dans Alberi, ser. n, vol. Ier, p. 54.