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danger de mort. S’il avait écrit sous Théodose ou même sous Constance, ses expressions auraient été plus précises, et probablement l’ouvrage ne nous serait pas parvenu. Sous le premier empereur chrétien au contraire, il pouvait, en gardant le ton de la prophétie, annoncer des désastres prochains en termes si vagues et si généraux que les docteurs de l’église, et après eux les érudits de la renaissance, ont cru qu’il s’agissait de la catastrophe finale annoncée dans l’Évangile.

L’idée de la destruction et du renouvellement du monde, qui reparaît si souvent dans les livres sibyllins et dans les ouvrages des chrétiens, surtout des chrétiens millénaires comme Lactance, se retrouve également dans la philosophie stoïcienne et dans la religion de l’Égypte. Il ne devait pas être difficile à un Égyptien attaché à la religion nationale de faire coïncider l’avènement officiel du christianisme avec la fin de quelque grande période mythologique, ou astronomique. L’auteur du Discours d’initiation, qui croit à cette catastrophe, devait être un Égyptien. Il se lamente sur l’apostasie de l’Égypte, il ne parle même pas des autres peuples. C’est l’Égypte qui est la terre sainte, « le temple du monde, l’image du ciel, la projection ici-bas de toute l’ordonnance des choses célestes. » Quand le monde sera régénéré, c’est en Égypte que seront établis ceux qui doivent le gouverner. Ailleurs il rappelle à Asclèpios que son aïeul, l’inventeur de la médecine, est adoré près du rivage des crocodiles, à l’endroit où est enterré son corps, et il ajoute : « Mon aïeul Hermès a donné son nom à sa patrie. » Il est vrai que ces noms sont grecs, et que ces souvenirs mythologiques sont présentés sous une forme évhémériste, mais il faut se rappeler qu’à cette époque la confusion des dieux grecs et des dieux égyptiens était universellement admise. D’ailleurs il est question ensuite d’Isis et d’Osiris, divinités purement égyptiennes, et, ce qui est plus important encore, du culte que les Égyptiens rendaient aux animaux. Plus loin, il est fait mention d’un dieu que la traduction latine appelle Jupiter Plutonius, et qui est probablement Sarapis, le grand dieu d’Alexandrie. Ce sont là sans doute des vestiges bien effacés d’une religion qui a tenu tant de place dans le monde, mais on ne trouverait guère plus de traces de la mythologie hellénique dans tel ou tel philosophe grec, Aristote par exemple.

Le Discours d’initiation est peut-être le seul ouvrage de l’antiquité où il y ait, non pas seulement une excuse, mais une théorie formelle et avouée du culte des images. Jusque-là, les philosophes avaient considéré l’idolâtrie comme une conséquence dangereuse d’un abus de langage. « Ceux qui ne connaissent point le vrai sens des mots, dit Plutarque, arrivent à se tromper sur les choses ; ainsi