Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 64.djvu/1009

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tiède près du rivage plusieurs jours avant le début apparent des phénomènes éruptifs. Quoi qu’il en soit, c’est seulement le 30 janvier que l’attention du gardien de Nea Kameni fut provoquée par une circonstance qui, au premier abord, lui parut peu importante. En s’éveillant ce jour-là, il avait remarqué que le toit de sa demeure, voûté et construit en béton comme tous les toits de Santorin, était traversé par une étroite lézarde. Il pensa d’abord que cette fente était l’effet d’un défaut de construction ; néanmoins il eut la curiosité de visiter les habitations voisines, dont il avait les clés, et grande fut sa surprise en trouvant que toutes étaient plus ou moins ébranlées et fissurées. Il y avait donc eu pendant la nuit un mouvement du sol. Le cône de Nea Kameni, haut d’environ 100 mètres au-dessus du niveau de la mer, présentait également des traces de la commotion souterraine. Des blocs volumineux s’étaient détachés du sommet, et, après avoir roulé le long des pentes, étaient venus s’arrêter au pied des habitations.

Le gardien attribua ces faits à un tremblement de terre survenu pendant son sommeil ; mais bientôt, sans ressentir aucune secousse, il vit les fentes s’élargir peu à peu. À la fin de la journée, les maisons les plus voisines de l’anse de Voulcano commencèrent à menacer ruine ; des blocs volumineux se détachèrent du bord supérieur du cratère de Nea Kameni, et s’écroulèrent avec fracas. Enfin des bruits sourds et des chocs qui semblaient se produire dans les profondeurs de la terre vinrent épouvanter la pauvre famille qui seule assistait à ces premières manifestations éruptives. Le lendemain, tous ces phénomènes continuèrent en redoublant encore d’intensité, les bruits devinrent formidables et les chocs plus violons. L’anse de Voulcano surtout paraissait éprouver vivement l’action du feu souterrain. La température de l’eau s’y était beaucoup élevée, et une multitude innombrable de bulles de gaz s’en dégageait, produisant un mouvement comparable à celui d’une ébullition. L’odeur de l’acide sulfhydrique y était devenue tellement forte qu’elle était presque insupportable. De plus les mouvemens du sol commençaient à produire à la pointe sud-est de Nea Kameni un affaissement très sensible du quai, particulièrement vers les points où les bruits étaient le plus distincts. Il était visible que le terrain s’abaissait lentement, d’une façon continue. Le gardien et sa famille passèrent toute la journée dans la plus vive anxiété, mais sans abandonner encore leur demeure. La nuit suivante, le grondement souterrain avait acquis une telle intensité qu’ils tremblèrent plus d’une fois d’être ensevelis sous les ruines de leur maison. Une heure avant le lever du soleil, ils virent s’élever au-dessus de l’anse de Voulcano des flammes qui paraissaient sortir du sein de la mer, près du rivage, et dont la lumière jaunâtre éclairait d’une lueur lugubre les laves et les ponces de l’éruption de 1707. Dès lors leur frayeur ne connut plus de bornes, et, sans attendre davantage, ils s’empressèrent de détacher leur canot et de gagner Santorin. Les récits qu’ils firent en arrivant au port de Phira jetèrent l’alarme dans la population, et l’on craignit de voir s’engloutir dans un abîme de feu non-seule-