Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 64.djvu/1042

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment il était à propos que de telles paroles eussent une fois place dans ce débat: elles iront à leur juste adresse et y resteront.

Pour achever de préférence par ce qui touche au fond même de la question, nous répétons que toutes les lettres de Marie-Antoinette à sa mûre et à ses sœurs contenues dans les deux recueils de M. d’Hunolstein et de M. Feuillet nous paraissent, sauf deux, évidemment fausses. Toutes les lettres, de la reine ou du roi, que M. Feuillet tire de son cabinet ou d’autres collections privées, ou bien du cahier de Vienne, sans autre indication de provenance, — et nous comptons dans ce nombre, à ne prendre que son premier volume, une trentaine de lettres de Marie-Antoinette et une cinquantaine de Louis XVI, — deviennent suspectes. Nous ne prétendons pas que tout y soit à rejeter; mais un bon nombre de ces pièces sont évidemment fausses, et par conséquent l’historien ne peut se servir d’aucune sans une recherche sérieuse d’authenticité. Il ne faut pas dire qu’il n’y a en tout ceci qu’un doute sur quelques documens de peu d’importance, et que nous faisons beaucoup de bruit pour rien, car les lettres contestées sont précisément celles des nouveaux recueils qui ont attiré le plus vivement l’attention et qu’on a presque uniquement citées; faire du bruit pour rien, c’est annoncer une révélation et ne pouvoir maintenir ce qu’on publie. Il ne faut pas dire non plus qu’il n’y a en tout ceci qu’une question d’authenticité matérielle, qui ne touche pas une autre question supérieure et toute morale. Ce reproche irait mal avec celui de faire injure à un souvenir digne de tout respect. Nous avons la conscience d’avoir servi cette mémoire en même temps que nous servions la cause de la vérité historique. Les fausses lettres, modelées sur des gazettes de cour et sur des mémoires incomplets ou erronés, prêtaient à la reine un langage auquel on pouvait se tromper avant les publications de M. d’Arneth, mais dont on a bientôt vu l’étrange contraste avec l’accent toujours digne et élevé que lui inspire dans la vraie correspondance le sentiment de sa naissance et de son rang. Pour tout dire en un mot, la mémoire de Marie-Antoinette n’a besoin, pour meilleur hommage, que de la pure vérité; ceux-là le lui refusent qui persistent à écouter des flatteries apocryphes


A. GEFFROY.


F. BULOZ.