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présente comme extraits de « l’Evangile éternel » les erreurs que la commission d’Anagni relève dans le Liber introductorius. Enfin le bibliothécaire de la maison de Sorbonne qui a ajouté au XIVe siècle diverses notes à la fin du n° 1726 a commis sans le moindre souci la même confusion.

Il faut avouer que les documens d’Anagni ne disent pas avec toute la clarté désirable que Gérard soit l’auteur de « l’Introduction à l’Évangile éternel. » Le premier document d’Anagni présente « l’Introduction à l’Évangile éternel » comme un livre composé d’un texte suivi et divisé en chapitres. À propos de ce livre, les cardinaux citent bien une opinion de frère Gérard, mais sans dire si cette note se trouve dans l’ouvrage même, ni si frère Gérard est l’auteur de cet ouvrage. Ailleurs ils disent vaguement : Scriptor hujus operis[1], et ils l’accusent de se faire passer pour un des douze anges de saint François, envisagé comme un second Christ[2]. Le second document d’Anagni, qui n’est plus relatif à « l’Introduction », cite toujours les ouvrages de Joachim d’après leurs divisions propres, et mentionne comme distinctes les notes de Gérard. Ce qui résulte de là avec le plus de vraisemblance, c’est que deux ouvrages furent censurés par la commission d’Anagni : d’abord, l’Introductorium, texte suivi composé par Gérard en second lieu, une sorte de nouvelle édition, ou, si l’on veut, une série d’extraits des trois ouvrages authentiques de Joachim, avec des notes de Gérard[3], soit à la marge soit dans le texte même. C’est ce dernier livre que tenait à la main maître Florent, le promoteur de la commission, et dans lequel il lisait. Les deux lecteurs-adjoints, au contraire, frère Bonvalet et frère Pierre d’Anagni, tenaient les œuvres mêmes de Joachim, vérifiaient les citations et distinguaient ce qui appartenait à Joachim de ce qui appartenait à Gérard. Quelquefois, en effet, les

  1. Ce passage est omis presque en entier dans d’Argentré. « Item quod per virum indutum lineis intelligat Joachim scriptor hujus operis probatur XXI. capitulo circa medium per verba de quinque intelligentiis generalibus et septem typicis, ubi sic ait : « Vir indutus lineis in apertione mysteriorum Ieremiæ ; prophetæ : ecce, ait, præter historicum, moralem, tropologicum, etc. » Item XXIII. circa principium, ita dicitur : « Ad quam scripturam tenetur populus tertii status mundi, quemadmodum populus primi status ad Vetus Testamentum, et populus secundi ad Novum, quantumcumque hoc displiceat hominibus generationis istius. »
  2. «… Sic in principio tertii status erunt tres similes illorum, scilicet vir indutus lineis, et angelus quidam habens falcem acutam, et alius angelus habens signum Dei viri (ici le ms. 1726 porte en interligne : scilicet sanctus Franciscus). Et habuit (d’Argentré « habebit » ) similiter angelos duodecim, inter quos ipse fuit unus, sicut Jacob habuit duodecim in primo statu, et Christus duodecim in secundo. »
  3. La forme de la glose est sensible en particulier dans des passages comme celui-ci… Illæ generationes valde breves erunt, ut apparebit inferius in multis locis » (omis par d’Argentré).