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LES VOIES ROMAINES EN GAULE.

(actus) qui, à force d’être battus et suivis, prirent l’aspect de véritables chemins. Tout autre chose était la voie Appienne. Dès l’origine, quoique n’étant point encore dotée des améliorations nombreuses qu’on y apporta plus tard, elle présentait le caractère d’une véritable route ayant sa chaussée et ses accotemens construits d’après un système régulier et bien entendu d’empierrement. Cette voie s’étendait de la porte Capène jusqu’à Capoue sur une longueur de 142 milles ; elle passait par Bovilles, Aricie, Terracine, Fundi, Formies et Minturnes. Elle fut prolongée plus tard jusqu’à Brindusium, aujourd’hui Brindisi, le grand port de la vieille Italie, que l’établissement du chemin de fer qui suit le littoral de l’Adriatique promet de rendre bientôt à son antique importance. La voie Appienne, qui avait été dans l’ordre chronologique la première voie de la presqu’île, en devint ainsi la plus longue, car elle embrassa un parcours de 380 milles ; aussi le poète Stace l’appelle-t-il la reine des voies, regina viarum[1]. L’intérêt qui s’attache à son histoire, les monumens nombreux qui s’élevaient sur ses bords ont appelé les recherches des antiquaires ; on l’a explorée en une foule de points, mais surtout dans la partie qui avoisine Rome. Des fouilles ont mis à découvert la longue suite de tombeaux répandus entre la ville éternelle et l’ancienne Bovilles. Les travaux exécutés sous le pontificat de Pie IX du cinquième au douzième mille ont été des plus féconds en découvertes de monumens antiques. La voie Appienne devint une véritable tête de ligne ; d’autres voies ouvertes à l’instar de celle qu’on devait à Appius Claudius se détachèrent de celle-ci et relièrent la ville éternelle aux plus importantes bourgades de ses environs : telles étaient la via Ardeatina, qui conduisait à Ardée et s’embranchait sur la voie Appienne un peu avant la deuxième borne, la via Triumphalis, appelée aussi via Numinis, qui menait au temple de Jupiter Latialis, construit au sommet du mont Albain.

De grandes lignes itinéraires furent donc tracées par les Romains au nord et à l’ouest de leur ville, et mirent en communication cette glorieuse métropole avec les nouvelles provinces dont ses victoires lui assuraient la soumission. L’Italie fut sillonnée dans les directions principales par de larges routes dont le réseau, enveloppant les peuples italiotes, les retenait dans la dépendance du centre où venaient aboutir les extrémités de ces fils puissans qui les assujettissaient. Ces voies furent comme les artères qui portaient à la périphérie du corps romain le sang, le fluide nourricier élaboré

  1. On peut lire dans l’Essai sur la topographie du Latium, de M. E. Desjardins, la description de cette voie, qui avait fini par devenir une véritable rue extra-muros, bordée comme les rues de Rome des édifices les plus variés et les plus élégans.